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leçons de l’antiquité. Ce n’est donc pas au nom de l’antiquité que nous devons nous prononcer sur la valeur de ses travaux. Il faut avant tout bien définir ce qu’il a voulu, ce qu’il veut, et chercher dans l’histoire un homme qui ait pris la même volonté pour règle de sa vie.

Or, cet homme n’est pas difficile à rencontrer ; il s’appelle Puget. L’auteur du Milon, comme l’auteur du Philopcemen, se propose plutôt l’expression de la force que l’expression de la beauté, ou, pour parler plus nettement, c’est dans la force même qu’il espère trouver la beauté. C’est à cette doctrine que nous devons le Milon et le Philopcemen, et l’identité de la doctrine se révèle pleinement par l’identité des moyens employés. Si le Milon en effet est assuré de garder dans l’histoire une place éminente ; si, quelle que soit l’école qui ait obtenu leur prédilection, tous les statuaires sont obligés de l’admirer, à moins de nier l’évidence, de renier le bon sens, il est certain pourtant que le Milon, malgré son immense mérite, blesse le goût en plus d’un point. Je ne parle pas de la draperie, qui n’est qu’un hors-d’œuvre ; je me borne à demander s’il n’était pas possible, tout en laissant au visage son expression douloureuse, aux membres leur vigueur, à la poitrine sa contraction énergique, de trouver pour la figure entière des lignes plus harmonieuses. Je n’hésite pas à poser cette question, bien que les disciples de Puget ne puissent l’entendre sans colère. Ne peut-on pas exprimer le même doute à propos du Philopoemen ?

Ainsi, M. David appartient à l’école de Puget, et, s’il récuse l’autorité des Grecs, il ne peut récuser l’autorité de son maître. Interrogé sous le rapport géométrique, le Milon ne donne pas raison à la statue de Larrey ; la tête de l’athlète s’accorde parfaitement avec les lois établies par l’art antique. Venons aux bas-reliefs. Puget ne s’est pas souvent exercé dans ce genre de travaux. À Gênes, à Marseille, à Toulon, il n’a guère laissé que des figures ronde-bosse, et je comprends dans cette dernière catégorie ses cariatides. Cependant nous avons de lui deux bas-reliefs, le Diogène et la Peste de Milan. Je ne dis rien du premier, parce que, le nombre des personnages étant limité par le sujet même, il ne saurait servir d’exemple dans la discussion ; mais la Peste de Milan, bien que conçue d’une manière toute pittoresque, donne tort à M. David aussi bien que Ghiberti, car, dans ce bas-relief, qui se voit à Marseille même au bureau de la Santé, les détails, quoique très nombreux, sont traités avec un tel soin, rendus avec une telle précision, que le regard ne laisse rien échapper. Assurément, si Puget n’eût.jamais signé de son nom que la Peste de Milan, il n’occuperait pas dans l’histoire de son art une place considérable. Cependant, si c’est au Milon, aux belles figures de Gênes, qu’il faut demander la raison de sa gloire, il n’est pas permis de voir dans ce bas-relief l’ouvrage d’un homme ordinaire, Si le parti adopté par l’auteur est contraire aux