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dire que l’on avait pour la patrie allemande un but idéal supérieur à l’intelligence du siècle, qu’on a tout risqué avant de consentir à s’avouer que l’Allemagne n’était pas digne de tant d’efforts, qu’on est enfin décidé à ne plus risquer rien. Quelle odyssée depuis 1848 pour revenir en 1847, si l’on ne va droit à 1815 !

Il n’est pas inutile de remémorer un peu toutes les phases de cette pérégrination d’un pays vainement occupé pour ainsi dire à se chercher lui-même ; c’est la meilleure et plus courte façon d’expliquer comment il est aujourd’hui à bout de ses peines sans s’être encore trouvé. Au début pourtant, cette impossible patrie semblait naître toute seule à la voix de ceux qui l’appelaient. L’Autriche avait fourni son plus populaire archiduc pour servir de vicaire à l’empire en attendant l’avènement d’un empereur. L’Autriche alors, bien éprouvée chez elle, se dévouait complaisamment à l’idée d’une transformation de la vieille fédération d’états en un jeune état fédéral. Staatenbund, Bundesstaat ! les deux termes de l’énigme à résoudre, les deux élémens sur lesquels le grand œuvre devait opérer pour accomplir le rajeunissement national par une métamorphose politique ! Puis, quand vint l’hiver de cette fatale année 1848, l’Autriche commença par ne plus vouloir qu’on lui prît ses provinces allemandes dans ce nouveau corps germanique où elles auraient été subordonnées à une autorité plus exigeante que dans l’ancien ; l’Autriche, suivant son programme de Kremsier, se rabattit à former un empire à part avec ses seuls états, et il fut un moment question d’un nouveau mode d’alliance entre une vaste unité allemande d’un côté et l’unité austro-slave de l’autre. À mesure cependant que le cabinet de Vienne reprenait de la force, et se rasseyait, il se résignait de moins en moins à se laisser ainsi éconduire hors de l’Allemagne, il ne se prêtait point à la pensée de changer l’Autriche en un état plutôt slave qu’allemand, de perdre gratuitement son influence séculaire et son autorité traditionnelle sur les peuples de tout le territoire germanique. De là les embarras que le parti autrichien suscita dans la diète de Francfort au parti allemand de M. de Gagern, qui, peu à peu neutralisé dans ses projets les plus hardis de régénération, de refonte nationale, se fit en désespoir de cause un parti prussien.

On était au printemps de 1849 ; le roi Frédéric-Guillaume vit arriver les députés de Francfort, qui lui offraient une couronne chèrement achetée, une couronne amoindrie dans le combat qu’il avait fallu livrer pour l’emporter ; mais enfin c’était toujours la couronne d’Allemagne. Le roi refusa. Était-ce pusillanimité ? était-ce sagesse ? Le refus à peine signifié, il essaya d’organiser par sa propre politique l’autorité suprême qu’il n’avait pas voulu tenir d’une assemblée déjà envahie par le radicalisme. Il promulgua la constitution nationale du 28 mai 1849, destinée à fonctionner dans une Allemagne unique dont une alliance de la Prusse et des rois allemands devait former le noyau. L’alliance ne fut pas plus tôt proclamée qu’elle se trouva dissoute. L’Autriche, menacée derechef d’être rejetée en dehors de l’Allemagne, profita vivement des lenteurs, des irrésolutions de la Prusse, et bientôt il fallut encore déchoir des illusions premières du traité du 26 mai ; il fallut abandonner l’idée d’une grande Allemagne unie, redescendre au système d’une union restreinte enclose dans une union plus large, se contenter de n’être plus, soi et ses petits confédérés, qu’une