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chacun de ces bas-reliefs. S’il ne confondait pas les devoirs de la statuaire avec les devoirs de la peinture, il n’aurait jamais songé à modeler des fonds de paysage que l’œil distingue avec peine, comme dans la bataille des Pyramides, ou qui prennent trop d’importance, comme dans la bataille de Somo-Sierra. Je ne dis pas que le statuaire chargé de nous représenter une bataille moderne doive chercher dans les marbres d’Athènes ou de Phigalée le type de sa composition : les cavaliers du Parthénon n’enseignent pas le mouvement de nos armées, mais il y a dans la frise du Parthénon une leçon qu’il ne faut jamais oublier. L’école attique pensait, et le temps lui a donné raison, que la sculpture ne doit se permettre que deux plans, trois tout au plus dans les cas exceptionnels. Ce précepte est fondé sur la nature même des organes à l’aide desquels nous percevons la lumière et la forme. Dans un bas-relief, au-delà du second plan, la confusion commence ; au-delà du troisième, elle devient presque toujours complète. Vouloir lutter d’abondance et de variété avec la peinture l’ébauchoir à la main, c’est méconnaître les vraies limites de la sculpture et s’abuser sur les ressources dont elle dispose. Or, c’est là précisément la méprise que je reproche à M. David. Dans les quatre batailles qu’il vient de nous donner, il a traité l’espace en maître souverain. Tout ce qu’il aurait pu tenter sur la toile, il l’a tenté sur la glaise, et ne s’est guère inquiété de la limite assignée à la puissance du regard. Il a franchi hardiment le troisième, le quatrième plan, comme si nos yeux pouvaient embrasser, sans fatigue et sans effort, tout ce qu’il lui plaît de modeler ; il a manié l’ébauchoir comme il aurait manié le pinceau. Qu’est-il arrivé ? Les derniers plans sont pour l’œil du spectateur comme s’ils n’étaient pas. Je me trompe ; s’ils ne sont pas doués d’une existence précise, ils réussissent pourtant à troubler la composition. Si l’œil ne les distingue pas nettement, il cherche pourtant à les distinguer, et c’en est assez pour qu’il jouisse moins librement des premiers plans, des seuls qu’il devrait étudier.

Je sais qu’on peut opposer à la doctrine que je soutiens l’autorité de Ghiberti, qui, dans les portes du baptistère de Florence, a multiplié les plans à l’infini sans tenir compte des lois établies par l’école attique. Il y a deux manières de répondre à cette objection. En premier lieu, rien ne prouve que Ghiberti ait connu, même indirectement, la frise du Parthénon. Et si, comme tout porte à le croire, le dessin ne lui a jamais révélé les principes qui dominent cette composition, on ne saurait sans puérilité affirmer qu’il a violé ces principes. Qui oserait dire que Ghiberti., averti par l’exemple des Grecs, eût traité les portes du baptistère comme il les a traitées ? Bien que nous soyons réduits aux conjectures sur le parti qu’il aurait adopté, le doute ne semble pas permis. En second lieu, Ghiberti, en s’éloignant de la