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l’exécution ne supporte pas une étude attentive. Ce n’est pas qu’il ne se rencontre presque partout des têtes animées d’un enthousiasme sauvage ; les attitudes sont vraies, les mouvemens vigoureux, les coups bien portés. Malheureusement l’exécution du torse et des membres ne s’accorde presque jamais avec l’exécution de la tête. Ou bien le torse n’a pas l’épaisseur voulue, ou bien les membres sont trop courts ; c’est toujours et partout une ébauche très habile, jamais une forme définitive. Que M. David soit capable de mieux faire, je n’en doute pas un seul instant. Qu’il ait en lui-même toutes les ressources, nécessaires pour mener à bonne fin, pour revêtir d’une forme pure et précise l’ébauche qu’il nous a offerte, je n’hésite pas à le croire. Ma conviction toutefois ne m’ôte pas le droit de lui demander pourquoi, dans ces bas-reliefs, il nous offre une ébauche au lieu d’une œuvre définitive. La statuaire, en effet, se contente plus difficilement d’une ébauche que la peinture, surtout lorsqu’elle prend le bronze pour interprète. Bien que le marbre, par la finesse même de la matière, semble destiné à l’expression d’une pensée nettement arrêtée, le spectateur se montre volontiers plus indulgent pour le marbre que pour le bronze, car le ciseau peut achever ce que le ciseau a commencé ; mais le bronze une fois refroidi ne change plus de forme, le moule une fois brisé ne commande plus au métal. C’est pourquoi une ébauche en bronze est quelque chose d’inintelligible, et pourtant je ne crois pas qu’il soit permis de donner aux bas-reliefs de M. David un autre nom que le nom d’ébauches. On aura beau me vanter tous les mérites qui recommandent ces bas-reliefs, me dire qu’ils nous offrent l’image fidèle de la guerre, appeler mon attention sur les épisodes sanglans qui donnent à la composition un accent de vérité : tous ces mérites que je ne songe pas à nier ne ferment pas mes yeux aux défauts que je signale. L’énergie ne dispense pas de la correction. À cet égard, le statuaire est placé dans la même condition que le peintre ou le poète. Il ne lui suffit pas d’inventer, il faut qu’il exprime sa pensée avec élégance, avec précision. Or, les bas-reliefs de M. David sont, très loin de satisfaire à cette loi impérieuse.

Il y a, dans ces quatre batailles si énergiquement conçues, exécutées d’une manière si incomplète, une méprise très grave qui ne sera peut-être pas aussi facilement aperçue, mais qui, à coup sûr, blessera tous les hommes du métier. M. David, lorsqu’il s’agit d’un bas-relief, ne semble établir aucune différence entre les devoirs du peintre et les devoirs du statuaire. Il paraît croire que l’ébauchoir doit lutter avec le pinceau, et tenter de reproduire par la forme tout ce que le pinceau reproduit par la couleur. C’est une erreur singulière contre laquelle proteste l’histoire entière de l’art, et pourtant c’est à cette erreur qu’il faut rapporter la multiplicité des plans imaginés par M. David pour