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courage, il viole les relations géométriques du front avec le reste du visage, comme les relations de la tête avec le reste du corps. La statue de Pierre Corneille démontre bien mieux encore que la statue de Larrey jusqu’où la préoccupation phrénologique peut entraîner M. David. Toutefois, dans l’œuvre nouvelle, l’erreur, quoique moins évidente au premier aspect, n’est pas moins complète.

La statue de Larrey n’a guère plus de six têtes et demie. Il est possible que le compas ne donne pas raison d’une façon absolue à l’œil du spectateur ; mais cette dissidence inévitable n’infirme pas la valeur du reproche que j’adresse à M. David. Chacun sait, en effet, que la hauteur apparente des corps varie selon la position de l’observateur. Il est clair qu’une figure regardée de bas en haut paraît nécessairement plus courte qu’elle n’est en réalité. Or, c’est la condition dans laquelle se trouvent placées toutes les statues, puisque la plinthe correspond habituellement à l’axe de l’œil, de telle sorte que, pour laisser à la figure sa hauteur normale, il est indispensable d’ajouter, selon l’élévation du piédestal, quelques lignes à la hauteur réelle. M. David a négligé cette précaution, et la statue de Larrey n’a pas pour le spectateur plus de six têtes et demie. Il serait inutile d’insister plus longtemps sur ce point ; l’erreur que je signale est si facile à constater, qu’il y aurait de la puérilité à vouloir la démontrer.

En attribuant à la phrénologie la méprise de M. David, je ne crois pas me prononcer légèrement. L’auteur de l’œuvre que j’analyse connaît trop bien toutes les lois de son art pour qu’il soit permis de l’expliquer autrement. Est-ce à dire que je veuille proscrire absolument les conquêtes de la science moderne comme dangereuses pour les arts d’imitation ? Telle n’est pas ma pensée ; mais je crois qu’il faut interroger la science avec réserve toutes les fois qu’il s’agit d’exprimer la forme des corps, car la science, en raison même de sa nature, par cela même qu’elle se propose la connaissance de la vérité pure et non des apparences qui frappent tous les yeux, peut induire l’art en erreur en exagérant à ses yeux l’importance de certains détails. Sans la phrénologie, je suis convaincu que M. David ne fût jamais arrivé à méconnaître, comme il l’a fait, un des principes élémentaires du dessin. Si je prends la peine de rappeler ce principe, ce n’est certainement pas pour engager l’auteur à s’en pénétrer, car il le connaît mieux que moi, et nous a prouvé cent fois l’usage qu’il en sait faire ; mais, sous l’empire d’une préoccupation exclusive, il a trahi les doctrines mêmes qu’il enseigne, et la faute commise par un maître habile ne doit pas être passée sous silence. M. David occupe dans la statuaire française, dans l’art européen, une place trop élevée pour qu’il soit permis de le traiter avec indulgence. Il a signé de son nom des œuvres nombreuses ; il nous a montré son savoir et son talent sous des faces variées, il a le