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qui ont amené la chute de tant d’établissemens de banque en Angleterre, dans l’Inde étaux États-Unis.. Et d’abord, où sont les associations auxquelles il s’agit de confier le privilège de défrayer la circulation locale ? Qu’on nous montre les hommes, capables de diriger ces difficiles entreprises, les intérêts qui s’y font représenter et les capitaux volontairement engagés. L’état peut investir une banque qui existe déjà, ou qui se forme, du droit d’émettre du papier qui aura cours de monnaie, mais il ne lui appartient pas de créer un établissement de banque. L’état n’a pas qualité pour faire le prêt et l’escompte et pour s’ériger en marchand d’argent.

Aux termes du projet, le capital des banques coloniales se composera de 320,000 francs de rentes, dont 100,000 sont attribués à la Martinique, 100,000 à la Guadeloupe, 100,000 à la Réunion et 20,000 à la Guyane. Supposons ces rentes, réalisées au cours du jour, la banque locale, dans chacune des trois colonies insulaires, disposera d’un capital d’environ 1,900,000 francs, et, en admettant qu’elle l’ait converti en espèces, métalliques, elle pourra émettre pour 3,800,000 francs de billets. Quand on considère que, sans parler des transactions intérieures, le commerce d’importation et d’exportation représentait, avant février 1848, pour chacune des Antilles, une moyenne annuelle d’environ 40 millions, il est difficile de croire que le dixième de cette somme, en espèces ou en billets, puisse alimenter la circulation.

Aux objections tirées de l’insuffisance du capital il faut ajouter celles que soulèvera infailliblement la nature exclusive de cette dotation, empruntée à l’indemnité coloniale. Je sais bien que, sans le prélèvement des 320,000 francs de rentes, l’établissement des banques de circulation deviendrait matériellement impossible ; j’accorde que l’on ne peut faire un meilleur emploi des capitaux qui représentent la rançon de la liberté ; je constate que cette contribution forcée, étant levée sur les sommes dont l’état se reconnaît débiteur et devant servir à la prospérité des colonies, constitue, pour l’inauguration du crédit colonial, un apport essentiel et légitime. L’édifice n’en restera pas moins inachevé ; la machine ne sera mise en mouvement que lorsque ce capital se grossira de contributions volontaires et qu’une association librement formée groupera des intérêts importans et nombreux autour de l’œuvre que le gouvernement semble vouloir improviser. Tout établissement de crédit, pour obtenir quelques chances de succès et de durée, doit avoir des racines dans le pays. Une banque ne s’administre pas par des fonctionnaires ; elle doit prendre ses officiers dans les rangs du commerce et de l’industrie qui la font vivre. Qui peut-on placer à la tête d’un comptoir d’escompte, si ce n’est les hommes qui, mêlés eux-mêmes aux affaires commerciales, connaissent suffisamment la valeur