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et demi d’habitans. Les six banques par actions de ce continent insulaire présentent un capital de 2,300,000 livres sterling (près de 58 millions de francs). Enfin, les îles Ioniennes, pure étape militaire de la puissance britannique dans la Méditerranée, ont leur banque, et jusque sur le rocher désert et insalubre de Hong-Kong, on prête et l’on escompte au moyen d’un comptoir de la Banque orientale, dont le siégé principal est à Bombay.

En regard de cette exubérance du crédit, qui étend à tous les points du monde britannique sa féconde impulsion, nos colonies présentent l’aspect de la plus déplorable indigence. Une tentative faite par la Banque de France pour établir un comptoir à Alger a été interrompue et comme interceptée par la révolution de 1848. Nos anciennes colonies à esclaves n’ont jamais trouvé à emprunter que dans les ports de la métropole. Foudroyées par les décrets du gouvernement provisoire, jetées sans transition du régime de la servitude dans celui de la licence, craignant à la fois pour le travail et pour l’ordre, elles ont besoin plus que jamais, je ne dis pas pour se relever, mais seulement pour vivre de l’initiative et de l’assistance de la mère-patrie.

L’assemblée constituante attribua aux colonies, en indemnité des esclaves possédés par les colons propriétaires, une rente de 6 millions de francs. Aux termes de la loi, le huitième de la somme afférente aux trois principales colonies, à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion, devait être prélevé pour servir à l’établissement de banques de prêt et d’escompte. On voit que le législateur avait voulu faire tourner à l’amélioration de la culture et au développement du crédit les sacrifices que l’état s’imposait dans l’intérêt de ces possessions lointaines, et qu’il avait travaillé à empêcher l’émigration des propriétaires avec l’émigration des capitaux. La liquidation de l’indemnité n’est pas terminée ; mais, en attendant que vienne le moment de distribuer cette manne officielle aux ayant-droit, le gouvernement a jugé possible et opportun de fonder dans les colonies, au moyen du prélèvement stipule par la loi, les établissemens de crédit qui leur deviennent nécessaires. De là, le projet de loi qui vient d’être présenté à l’assemblée nationale, sous les auspices combinés de M. le ministre de la marine et de M. le ministre des finances. Le projet répond-il à ce qu’on devait attendre de ce double patronage ? La science peut-elle en avouer les bases ? A-t-on mis à profit les leçons de l’expérience ? Fera-t-il, en un mot, plus de bien que de mal aux colonies ? Voilà ce qu’il est permis de se demander après une lecture quelque peu attentive.

Le crédit est une grande puissance en matière d’industrie et de commerce ; mais il ne tient pas lieu de tout. Il ne crée pas les capitaux d’un souffle de son haleine ; et il ne saurait ni développer l’amour du