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des lignes plus harmonieuses, je ne le conteste pas ; mais je crois très sincèrement que Larrey, vêtu à l’antique, eût appelé le rire sur nos lèvres, et je pense que M. David a très sagement agi en ne prêtant pas à son modèle la toge de Cicéron. Il a franchement accepté la difficulté, et l’a résolue d’une façon victorieuse.

Et pourtant cette statue si habilement modelée, drapée avec tant d’élégance, dont le masque, malgré sa complication, rappelle d’une manière si frappante les traits du modèle, ne satisfait pas l’œil habitué à la contemplation des œuvres dont l’autorité est consacrée. Rien ne peut en effet atténuer l’erreur géométrique commise par M. David. Il a méconnu volontairement ou involontairement, peu importe, les proportions établies par les maîtres de l’art, proportions vérifiées mainte et mainte fois, qui n’ont rien d’arbitraire, et sans lesquelles il n’y a pas de vraie beauté. Depuis vingt-deux siècles, il est parfaitement établi que l’homme, de la plante des pieds au sommet du front, compte sept têtes et demie ; les femmes comptent une demi-tête de plus. M. David a méconnu cette vérité élémentaire. Certes il n’a pas péché par ignorance. Le principe qu’il a violé, il l’enseigne à ses élèves ; la relation géométrique de la tête et de l’axe du corps est une des premières notions dont se compose la science du dessin. Il n’est pas permis de crayonner ce qu’on appelle une académie sans connaître cette relation. Pourquoi donc M. David, dont le savoir ne peut être révoqué en doute, a-t-il traité si dédaigneusement la loi dont je parle ? C’est, je crois, la phrénologie qu’il en faut accuser. Certes, il s’en faut de beaucoup que le volume de la tête exprime fidèlement le développement, naturel ou acquis, de l’intelligence. Chacun de nous, en consultant ses souvenirs, mettrait sans peine le nom d’un sot sur une tête énorme et le nom d’un savant ou d’un poète, d’un peintre habile, d’un musicien éminent, sur une tête dont le volume n’étonne personne. Cependant, quoique les travaux de Camper sur l’angle facial aient démontré, long-temps avant les travaux de Gall et de Spurheim, toute l’inanité des conjectures fondées sur le volume de la tête, la foule continue de voir dans une tête énorme un signe éclatant d’intelligence. Je ne ferai pas à M. David l’injure de croire qu’il partage ce ridicule préjugé : il sait très certainement à quoi s’en tenir sur le sens réel de l’angle facial et sur la vraie manière de le mesurer ; mais il a beau posséder la vérité, il agit, à son insu, comme s’il ne la possédait pas. Le désir constant de montrer son savoir phrénologique l’entraîne à exagérer le volume de la tête. Il n’ignore pas que le volume pris en lui-même ne signifie absolument rien, et il se conduit comme s’il attribuait au volume une immense importance. Pour accuser nettement toutes les protubérances indiquées par la phrénologie comme les signes extérieurs de la mémoire ou de la volonté, de la persévérance ou du