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de signer dans un morne silence leur unanime affirmation de la culpabilité de Courtois. En ce moment, les tambours battirent aux champs dans la grande cour du palais, remplie de troupes en bataille et de canons mèche allumée, et la foule de généraux qui encombrait la grande salle de réception se sépara en deux haies pour saluer le consul général de France, M. Maxime Raybaud, et lui livrer passage.

Nouveau venu dans le pays, représentant d’une puissance qui en est réduite à jouer auprès du gouvernement haïtien le rôle peu gracieux de créancière, et contre laquelle s’élevaient tant de préventions invétérées ; en butte aux intrigues des commerçans anglais et allemands, dont sept sont pourvus de consulats, et qui, maîtres des trois quarts des affaires traitées à Haïti, se prétendent ruinés par notre dernière convention, dont les dispositions tendent, en effet, à limiter les bénéfices réguliers prélevés par eux sur certaines dilapidations officielles, M. Maxime Raybaud avait déjà su conquérir, sans la chercher, cette immense considération personnelle dont on le verra plus tard faire un si magnifique usage. On lui savait surtout gré de son attitude pendant les événemens du mois d’août. Après que Similien eut chassé du palais du gouvernement MM. Élie et David Troy, que le silence du président et l’absence de toute force armée à leurs ordres condamnaient à une impuissance absolue, le consul d’Angleterre, M. Ussher, par un procédé très familier à la chancellerie britannique, était bravement allé les trouver, pour leur imposer avec menaces la responsabilité des dommages que pourraient éprouver non-seulement ses nationaux, mais encore les Haïtiens liés d’affaires avec ceux-ci. M. Raybaud s’était conduit tout autrement. Bien loin de vouloir ajouter par d’intempestives réclamations à une impuissance que les deux ministres étaient les premiers à déplorer, il avait silencieusement secondé le système de réserve et de temporisation que la situation leur imposait, prenant de concert avec M. Jannin, commandant de notre corvette stationnaire la Danaïde, toutes les mesures propres à garantir les Européens et les Haïtiens qui auraient, le cas échéant, à s’abriter sous notre pavillon, mais évitant aussi toute démonstration de nature à être interprétée par la classe menacée comme un signal d’alliance offensive et à la jeter dans une lutte, dont les suites eussent été incalculables.

Dès le début du procès, M. David Troy était venu, au nom d’un nombre de personnes considérables, sénateurs, députés, anciens ministres, lui demander son intervention ; mais tant qu’une juridiction régulière était restée saisie de ce procès, tant qu’il avait pu espéré qu’il n’y aurait pas condamnation capitale, M. Raybaud avait refusé de s’immiscer dans une affaire purement intérieure. Devant l’urgence et la gravité des circonstances, il oublia ses scrupules. Adjuré par une