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Muets sous Guerrier, enhardis sous Pierrot, se dissimulant sous Riché, les chœurs africains qui en perpétuent la tradition s’en donnaient à leur aise depuis l’avènement de Soulouque, car Soulouque appartient au vaudoux, et ces mots sont l’hymne sacramentel du vandoux.

Le vaudoux est un culte africain en grand honneur au royaume de Juida, mais qui paraît originaire du royaume d’Ardra, car, au dire de Moreau de Saint-Méry, c’étaient les nègres de ce dernier pays qui, dans l’ancien Saint-Domingue, en maintenaient les principes et les règles. On nomme également Vaudoux l’être surnaturel auquel s’adresse ce culte. Le dieu Vaudoux sait tout, voit tout, peut tout, et consent à se montrer à ses bons amis les nègres sous la forme d’une espèce de couleuvre non venimeuse enfermée dans une petite caisse dont l’une des parois est en claire-voie, de façon à permettre la vue de l’intérieur ; mais il ne reçoit leurs vœux et leurs offrandes et ne leur transmet sa vertu que par l’intermédiaire d’un grand-prêtre que les sectateurs élisent eux-mêmes, et d’une grande-prêtresse désignée par celui-ci. Ces deux ministres sont appelés indifféremment roi et reine, ou maître et maîtresse, ou papa et maman.

Comme tous les rites primitifs, le vaudoux compte parmi ses cérémonies une danse particulière que les anciens esclaves affectaient d’exécuter quelquefois en public, et qu’ils faisaient suivre d’un repas où l’on ne mangeait que de la volaille, afin de laisser croire à la police que les mystérieuses réunions dont elle s’inquiétait étaient le plus inoffensif passe-temps du monde. Quant au véritable vaudoux, le secret est rigoureusement observé, et ce secret est garanti par un serment conçu dans les termes et entouré des circonstances qui sont le plus propres à lui donner la sanction de la terreur. « Quelquefois, dit Moreau de Saint-Méry, dont la description semble écrite d’hier, quelquefois un vase où est le sang encore chaud d’une chèvre va sceller sur les lèvres des assistans la promesse de souffrir la mort plutôt que de rien révéler, et même de la donner à quiconque oublierait qu’il est solennellement lié. » Nous avons entendu parler d’un vaudoux-monstre, tenu un peu avant ou un peu après la transformation de Soulouque en empereur, et où, au lieu du sang d’une chèvre, on aurait bu, avec addition de tafia, le sang d’un bœuf tué séance tenante pour donner plus de relief à la cérémonie.

Les initiés se réunissent dans un endroit écarté et soigneusement clos qu’on leur a désigné dès la réunion précédente. En entrant, ils mettent des sandales et s’entourent le corps de mouchoirs où la nuance rouge doit dominer, et dont le nombre paraît être proportionné au grade de chacun des assistans. Un autre mouchoir entièrement rouge ceint, en guise de diadème, le front du roi, et une écharpe de même