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la galanterie, comme l’entendait Voisenon quand il écrivait ses Contes, elles présentaient, aux regards des femmes mêmes, les scènes dont il eût été impossible de souffrir le récit, et l’on sait le mot de cette dame au baron de Besenval qu’embarrassait la narration d’une aventure « Dessinez-moi en rébus ce que vous ne sauriez me raconter. » Souvent aussi la gravure, telle qu’on la pratiquait dans les salons, prétendait atteindre un autre but. Pour défendre la grande cause à l’ordre du jour, — la cause de la philosophie, — toutes les armes paraissaient bonnes, et l’on se servait de la pointe comme d’un instrument favorable à la propagation des doctrines nouvelles. Quand Mme de Pompadour essayait de montrer, dans une gravure dont ses amis seuls se disputaient les épreuves, le Génie des arts protégeant la France, elle ne donnait pas d’exemples dangereux et ne prouvait qu’une chose : c’est que la protection de ce génie ne s’étendait pas si complètement sur le royaume, qu’il n’y laissât passer les méchantes œuvres ; mais, lorsque quelques habitués de la maison de Mme d’Épinay et le beau-frère, de cette femme célèbre, M. de Jully, aspiraient à éclairer l’opinion en ridiculisant dans leurs petites estampes la religion et le principe de l’autorité, ils ouvraient à leur insu la voie à des artistes-amateurs d’une philosophie bien autrement radicale. Vingt ans après, des caricatures hideusement énergiques paraissaient sur le même sujet, et les graveurs de cabaret commentaient à leur tour le Père Duchêne, comme les graveurs de salon avaient commenté l’Essai sur les mœurs et l’Encyclopédie.


V. – GRAVEURS PAYSAGISTES EN FRANCE ET EN ANGLETERRE - VIVARES : le Temple du Soleil d’après CLAUDE LORRAIN. - WOOLLETT : le Sacrifice antique d’après CLAUDE LORRAIN. – GRAVEURS ANGLAIS AU BURIN, A L’EAU-FORTE ET EN MANIERE NOIRE. – ROGARTH, STRANGE, ARDELL, etc.

Bien que la gravure de vignettes ou tout au moins de compositions légères fût, au XVIIIe siècle, généralement pratiquée en France, même par les artistes de profession quelques-uns de ceux-ci cependant gardaient dans leurs travaux les principes sévères de l’ancienne école. Plusieurs graveurs, élèves de Nicolas-Henri Tardieu, luttaient avec constance contre les envahissemens du genre en vogue, et transmettaient à leur tour à leurs élèves de toutes les nations les enseignemens qu’ils avaient reçus dans leur jeunesse. Les Allemands Joseph Wagner, Martin Preisler, George Wilde, l’Italien Porporati, les Anglais Strange, Ingram, Ryland, etc., vinrent, à peu d’intervalle les uns des autres s’instruire à cette école, et publièrent Paris des planches diversement remarquables, où l’on retrouve en partie les qualités distinctives de Flipart, Lempereur, Jardinier, dont ils avaient été les condisciples. De grands recueils d’estampes, édités par ordre du gouvernement ou aux frais de riches protecteurs des arts, consacraient le souvenir des événemens