Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1030

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les sujets de modes sortaient de France par milliers et se répandaient dans l’Europe entière. Au commencement du XVIIe siècle, les principaux marchands d’estampes, graveurs pour la plupart et éditeurs de leurs propres œuvres, étaient établis sur le quai de l’horloge, ou, comme Abraham Bosse, dans l’intérieur même du Palais. Un peu plus tard, les magasins les plus achalandés se trouvaient dans le voisinage de l’église Saint-Séverin. En examinant les estampes publiées à Paris à cette époque, nous avons compté jusqu’à trente noms d’éditeurs différens habitant la seule rue Saint-Jacques, et, dans le nombre, ceux de plusieurs graveurs célèbres, tels que Gérard Audran à l’enseigne des deux Piliers d’or, de François Poilly à l’enseigne de Saint-Benoît, etc. De là vient sans doute l’erreur qui attribue à des hommes du plus haut talent des planches défectueuses auxquelles ils n’ont pu mettre la main que pour en tirer des épreuves. Les mots Gérard Audran excudit par exemple, qu’on lit au bas de quelques-unes de ces planches, ne signifient pas qu’elles ont été gravées par ce savant artiste : ils indiquent seulement que c’est lui qui les a éditées. Souvent aussi des pseudonymes, dont le bon goût n’avait pas toujours dicté le choix, cachaient le nom de l’éditeur, le lieu et la date de la publication ; cette mesure de prudence s’appliquait ordinairement à des ouvrages licencieux, à ces estampes à pièces mobiles ou à surprise, qui commençaient à être recherchées, et dont on fit si souvent collection dans le siècle suivant. Du reste, l’art se trouve fort peu intéressé en tout ceci, et le mieux est de chercher à l’étudier -ailleurs que dans des curiosités de cette espèce.


III. – GRAVEURS ETRANGERS. - BARTOLI : Saint Pierre délivré de prison d’après LANFRANC. – BARTHELEMI KILLIAN : l’Assomption d’après PHILIPPE DE CHAMPAGNE. - CORNEILLE WISSCHER : l’Antiquaire.

La supériorité avec laquelle la gravure d’histoire et de portrait était traitée par les maîtres de notre école avait attiré à Paris une foule d’artistes étrangers. Plusieurs d’entre eux s’y étaient fixés, comme Van Schuppen et les Flamands chargés de graver les victoires du roi peintes par Van der Meuler ; d’autres, leurs études achevées, retournaient dans leur pays et y répandaient les doctrines et la manière, françaises. Il résulta de cette unité d’influence une conformité apparente dans toutes les œuvres du burin. En Allemagne, en Italie, dans les Pays-Bas, l’art perdit presque complètement son caractère national ; partout, sauf en Angleterre, on imita, on s’appropria avec plus ou moins de bonheur le style et le faire de nos graveurs. Il y eut encore quelques hommes habiles, mais il n’y eut plus d’écoles ; elles semblèrent toutes s’être absorbées dans la nôtre à partir de la seconde moitié du règne de Louis XIV.

On a vu qu’à l’époque où Callot se trouvait à Rome, les graveurs