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façon des carpes et fait étinceler au soleil ses écailles roses. Aux environs de Goderich, à vingt lieues au nord de London, quelques Canadiens, voyageurs émérites, s’adonnent exclusivement à la profession de pêcheur. Pendant la saison des neiges, ils parcourent sur la glace les bords du lac Huron, montés sur leurs toboggins (traîneaux d’écorce), et vont, en ce tranquille équipage, visiter chaque matin les trous où ils ont tendu leurs amorces. Ces infatigables pêcheurs marquent la transition entre l’homme civilisé et l’Esquimau. Peu d’étrangers les visitent, si ce n’est quelque touriste qui vient admirer le coucher du soleil sur le grand lac, spectacle merveilleux, assure-t-on, et qui dédommage amplement des fatigues d’une si lointaine excursion. – Par-delà cette mer large de soixante lieues, longue de quatre-vingt-dix, la terre des colons finit, et la région des chasseurs commence.


Tel est l’aspect général des immenses pays que les géographes désignent dans leur ensemble par le nom de Nouvelle-Bretagne. Les uns, trop rapprochés du pôle, sont à peine habitables et à peine explorés ; les autres, placés sous des latitudes plus tempérées, ont pris déjà rang parmi les colonies, et renferment une population qui s’accroît rapidement par l’émigration. Sur le littoral de l’Océan, la pêche ; dans la partie moyenne de l’intérieur, la culture des céréales et l’exploitation des forêts ; à l’occident et au nord, les fourrures, — forment les principaux articles de commerce. Ces diverses provinces d’un même empire oui entre elles des affinités, des relations intimes qui les unissent ; elles communiquent par des cours d’eau que la nature y a répandus dans des proportions gigantesques. La contrée qui reçoit ces cours d’eau a donc sur les autres une supériorité incontestée : c’est le Canada. Par les lacs de l’ouest, le Canada confine les territoires qui forment la région moyenne et la région occidentale de l’Amérique anglaise. Ces vastes nappes d’eau, qui se déversent l’une dans l’autre pour se jeter à la mer par le Saint-Laurent, peuvent donc être regardées comme un seul fleuve, sur le bord septentrional duquel s’élèvent les villes principales de la colonie : Québec, Montréal, Kingston, Toronto et London. Par la route qui doit unir Québec à Halifax, le Canada est intimement lié au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse ; par l’embouchure du Saint-Laurent, il touche au Labrador, à Terre-Neuve et aux îles adjacentes. Tout ce qui constitue l’ensemble des possessions britanniques au nord du continent américain se groupe autour du Canada, s’y rattache, et en dépend en quelque sorte.

L’Angleterre a consacré à l’amélioration de sa colonie canadienne des sommes énormes ; elle y entretient une armée considérable ; tout indique l’importance qu’elle attache à sa conservation. Cependant, parmi les colons qu’elle y envoie, il y en a un certain nombre qui