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guère eu d’écho en France que dans l’obscure enceinte e un tribunal, et parmi les organes de l’opinion public en en Angleterre, les uns ont profité de l’occasion pour se plaindre que leur pays ne soit pas connu des Français, que leurs institutions et leurs mœurs soient sans cesse travesties par nos écrivains ; les autres, mieux inspirés, n’ont accordé qu’une pitié silencieuse au tribun réfugié.

Il n’est personne sans doute pour qui l’éloignement de la patrie ne soit pénible et douloureux ; mais on peut dire que, pour les agitateurs politiques, l’exil est le plus rude des châtimens, parce que, sans rien leur ôter de leurs prétentions, il les condamne à l’impuissance et à l’obscurité. Si la multitude est prompte à porter au Capitole les démagogues qui l’encensent, elle n’est pas plus lente à les délaisser, lorsqu’elle ne s’enivre plus de leurs adulations. Aussi avions-nous vu tous les agitateurs que les événemens ont jetés après quelques heures de pouvoir sur la terre étrangère lutter en désespérer contre l’oubli où ils se sentaient ensevelis. Journaux, mémoires, pamphlets, manifestes électoraux, circulaires commerciales, ils n’ont épargné aucun moyen pour disputer à l’indifférence universelle un reste de notoriété. M. Ledru-Rollin, tout chef de parti qu’il a été, ne pouvait échapper à la loi commune, et le silence complet, succédant au bruit qui se faisait autour de son nom, lui devait être plus pénible qu’à aucun autre. Après une ou deux brochures mortes en naissant, l’ancien membre du gouvernement provisoire, stimulé par ses échecs mêmes, devait naturellement demander à un livre le succès que les pamphlets ne lui donnaient pas. Le sujet choisi par M. Ledru-Rollin était neuf jusqu’à l’inattendu. Quant à appréhender qu’un séjour de quelques mois n’eût été un peu court pour démêler avec certitude les germes de ruine que cache la grandeur de l’Angleterre, tout le monde sait que le socialisme donne à ses adeptes des lumières refusées au commun des mortels. D’ailleurs une étude politique même incomplète sur un grand pays par un homme qui a prétendu à diriger les destinées de la France, et qui doit savoir par conséquent ce que c’est que le gouvernement, ne pouvait manquer d’avoir son intérêt. Si le livre ne faisait pas connaître l’Angleterre, il ferait connaître et permettrait de juger l’auteur : l’écrivain révélerait ou l’incapacité ou le génie du prétendant révolutionnaire.

Il a surtout révélé ses déplaisirs, et ses passions. Dès la première page du livre éclatent les souffrances de la vanité blessée. M. Ledru-Rollin, dans sa préface et ailleurs, se plaint avec amertume des attaques dirigées par les journaux anglais contre lui et ses coreligionnaires, malgré leur titre d’exilés. C’est montrer peu de force d’ame pour des hommes qui ont appartenu à’ a presse, à cette portion de la presse surtout qui a toujours mis le moins de réserve dans ses appréciations. Nous savons toute la distance qui sépare les rois découronnés des tribuns