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voilà toute ma science sacrée ; mais j’aime précisément dans le catholicisme les deux choses sur lesquelles portent les reproches qu’on lui adresse d’habitude, la pompe de ses églises et l’hommage qu’il rend aux saints. On va sans cesse répétant que la nature est le temple.le plus digne de Dieu ; personne ne peut contester que le paysage qui est sous nos yeux ne l’’emporte, en effet, sur tout ce qui peut être bâti par les hommes. Je dirai ceci tout simplement, c’est que le catholicisme ne se refuse pas le moins du monde à mêler, lorsqu’il le peut, les magnificences de la nature à la célébration de ses mystères. Quelquefois des prêtres ont suivi nos colonnes, et la messe alors a été dite sous le ciel. Vous savez, comme moi, docteur, quel effet les messes célébrées ainsi ont toujours produit sur nos soldats. Alors qu’au nom de la tolérance votre parti emprisonnait et tuait les prêtres, quelques croyans, sur les côtes de la Bretagne, ont été quelquefois entendre dans des bateaux la messe que célébrait un prêtre proscrit. Aucun catholique ne s’imagine que ses ministres ne puissent, en plein air, s’unir aussi complètement à Dieu que sous les voûtes d’une cathédrale ; mais nous sommes forcés d’avoir des temples, comme nous sommes forcés d’avoir des villes : eh bien ! je trouve, pour ma part, fort à propos qu’on cherche à réunir dans ces temples l’or, les fleurs, l’encens, la peinture, tout ce que cette terre a de plus précieux. Les musulmans se départent dans leurs mosquées de l’habituelle délicatesse de leurs goûts. D’ordinaire, leurs maisons n’offrent que de simples murailles au dehors, et présentent à l’intérieur mille recherches ; les murs de leurs mosquées, au contraire, sont couverts de festons, tandis que l’intérieur en est plus nu que celui d’un temple luthérien. Dans le pays catholique par excellence, en Espagne, les églises sont, comme l’ame du juste, simples au, dehors, pleines de splendeurs au dedans.

En définitive, l’éclat de l’or, l’harmonie de l’orgue, les parfums de l’encens, viennent aussi bien de Dieu que la grandeur des montagne, la transparence du ciel et la mystérieuse étendue de la mer. Si l’or, l’encens et l’orgue peuvent donc nous être parfois des ailes pour nous emporter vers Dieu, je crois que nous ne devons pas repousser leur secours ; mais ce qui vous irrite encore plus, docteur, que la pompe du catholicisme, c’est l’espèce de cour céleste dont nous entourons Dieu. Je suis sûr que l’hommage rendu aux saints vous atteint dans votre foi politique. Il est contraire à l’égalité, n’est-ce pas ? Heureusement nous ne trouverons pas l’égalité dans l’autre monde plus que dans celui-ci. Il y a dans la cité céleste un livre d’or Travaillons dès à présent pour que nos noms y soient inscrits un jour.

— Mon cher Plenho, dit le docteur, je crains bien de n’être qu’un roturier là-haut.

— Je voudrais, docteur, fit gravement le capitaine, que ce fût vraiment