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saints. Je crois, docteur ; que l’esprit de Jésus-Christ n’est avec aucun des vôtres. Il nous enseigne l’humilité ; et vous êtes l’orgueil ; — la soumission, et vous êtes la révolte ; — le renoncement aux biens de cette terre, et la conquête des trésors visibles qui maintenant la seule croisade que vous prêchez. – Qu’est-ce qu’a fait votre grande révolution, celle qui est pour vous la loi et les prophètes, que vous célébrez maintenant dans une sorte de langue à part, où le néant de la philosophie se mêle à l’obscurité du mysticisme ? Votre révolution a renversé la croix, elle l’a foulée aux pieds avec une rage dont on ne pourrait trouver d’exemple qu’en ces mystérieux accès de démence impie qui excitaient les saintes épouvantes et les terribles colères du moyen-âge ; puis maintenant vous venez trouver le Dieu crucifié, dont vous avez recommencé la passion, dont vos forfaits étaient depuis long-temps le supplice, car vos forfaits étaient les visions qui arrachèrent à sa nature humaine les larmes et les sueurs, de la dernière nuit. Et comment vous offrez-vous à celui dont vous avez été de si implacables tourmenteurs ? Est-ce avec un cœur repentant, avec un esprit changé, avec cette humilité que de tout temps il a demandée à ses amis, comme il disait dans la divine mansuétude de son langage ? Non : vous venez à lui avec la subtilité du scribe et la superbe du pharisien. Au lieu de vous prosterner à ses pieds et d’attendre que son regard vous cherche dans la poussière, il semble que vous lui tendiez la main comme à un ennemi vaincu. Vous venez lui offrir une place parmi les vôtres, à la condition qu’il déposera sa couronne immortelle. Ce n’est plus la volonté de Dieu, c’est la vôtre qui va lui donner cette fois pour toujours la nature humaine. Allez, votre retour à Jésus n’est qu’un sacrilège, votre christianisme n’est qu’une folie !

Je suis convaincu que l’Évangile réprouve toutes les maximes séditieuses que prétendent en tirer certains esprits. J’ai lu, il y a quelque temps, les commentaires faits sur l’œuvre divine par une grande intelligence qui s’est perdue. Je n’ai jamais vu que contraste entre le texte sacré et la prose du commentateur. Là où Jésus parle de la pauvreté, on m’entretient des richesses ; là où il prêche la paix, je lis une invocation à la violence ; là où se montre la cité divine, c’est la cité humaine qui vient se placer avec tout son fracas, toutes ses vanités et tout son trouble. Je crois donc l’Evangile étranger à tous vos systèmes, hostile à toutes vos nouveautés ; mais je ne vous reconnais même pas le droit de l’interroger, parce que c’est un livre qu’on ne doit ouvrir qu’après l’avoir adoré. Je ne discuterai votre christianisme que le jour où vous reconnaîtrez Jésus-Christ.

Maintenant je ne suis pas seulement chrétien, je suis catholique. Je n’ai pas étudié la théologie. Quelques lambeaux de mon catéchisme, restés dans ma mémoire avec quelques fragmens de mes prières,