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LES


SOIREES DU BORDJ


ENTRETIENS MILITAIRES.




I. - LE BORJ.

Le mot bordj et le mot burg doivent avoir la même étymologie. Je laisse du reste aux savans à décider ce point, dont je ne me soucie guère ; ce que je sais, c’est qu’en Afrique on appelle bordj une sorte de château fort, occupé autrefois par les Turcs, et où nos aghas et bachagas se tiennent maintenant avec leurs cavaliers.

Le bordj est d’habitude, dans une situation romantique ; il s’élève presque toujours en face des montagnes avec lesquelles il est en guerre. Si je n’avais pas en horreur l’état de renégat, je ne désirerais plus maintenant autre chose que d’être le seigneur d’une de ces forteresses : là on retrouve encore la vie féodale dans toute sa primitive énergie ; la nuit, il ne faut s’endormir qu’après avoir soigneusement fermé les portes, et bien souvent on est réveillé par des bandes de vrais truands qui viennent mettre l’échelle au pied des tours. Les chiens hurlent, on court aux armes, on repousse les assaillans de la muraille, puis on monte à chevalet on les poursuit dans les ténèbres ; on leur court sus à travers la plaine, on leur ferme les sentiers de leurs montagnes, on les tue, et le lendemain on regagne sa demeure avec des burnous et des fusils. Quand on n’a pas le jeu de la guerre, on a cette chasse des temps passés, qui vraiment rappelle les combats, la chasse à l’épieu et à cheval du sanglier et de la panthère. On crève des chevaux et on perd quelques