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Piastres fortes d’Espagne 22 piastres 32 paras[1]
Talaris d’Autriche, dits de la reine 21 piastres 30 paras
Pièces de 5 francs 21 piastres 10 paras
Carbovanz russes 16 piastres 37 paras
Ducats de Hollande, de Venise et d’Autriche 50 piastres

Par malheur, ce tarif officiel n’a jamais été et est encore moins aujourd’hui la règle des valeurs étrangères. Dans les transactions commerciales, le carboyanz est reçu pour 18 piastres, le ducat pour 52, et ainsi de suite.

Depuis 1828, date de la dernière altération de la piastre, jusqu’en 1834, le change, c’est-à-dire le rapport pratique entre la piastre et la livre sterling, a varié de 60 à 98. Toutefois il n’a pas alors dépassé ce chiffre, bien qu’en raison de la valeur intrinsèque, des pièces de 5 piastres la pièce d’or anglaise eût une valeur réelle de 225 piastres. On conçoit quelles fluctuations désastreuses résultaient de là pour le commerce européen en Turquie.

En 1834, lorsque la Turquie reçut de la Grèce, pour prix de cessions de territoire, la somme de 18 millions de piastres, on conçut l’idée d’une opération de banque destinée à prévenir de plus grands désastres. Cette opération consistait à fournir aux négocians établis en Turquie tout le papier qui leur était nécessaire pour faire leurs retours à Marseille, Vienne, Paris et Londres. On réussit en effet à maintenir le change à 98 un quart pour la livre sterling, et cela durant deux années environ. Après de nouvelles fluctuations, on le vit cependant s’élever jusqu’à 127 et demi. Aussi, en 1843, le divan remit-il en vigueur le système du maintien des changes combiné avec l’émission progressive d’un numéraire de bon aloi en remplacement des monnaies altérées, que l’on devait démonétiser jusqu’à concurrence de 7 millions et demi par an. Les opérations commencées alors n’ont plus été interrompues ; seulement on a bientôt renoncé à la démonétisation des bechliks.

Cette fois, on avait pris pour base la valeur réelle de l’ancienne pièce d’or de 20 piastres, et l’on avait fixé à 110 le rapport de la piastre à la livre sterling. En même temps, une ordonnance impériale vint interdire la circulation de toutes les monnaies étrangères et de toutes les anciennes monnaies ottomanes qui prêtaient à la spéculation. Celles-ci étaient reçues et changées à l’hôtel des monnaies ; quant aux monnaies étrangères, l’échange restait facultatif dans les transactions entre Européens ; il était interdit aux sujets du grand-seigneur de les recevoir en paiement. Ces résolutions, notifiées à toutes les ambassades et mises en pratique, ne motivèrent point de réclamations sérieuses. Tous les agens financiers avaient à leur disposition les fonds nécessaires pour opérer les échanges ; mais on n’y pourvut pas toujours avec l’exactitude du premier moment : la surveillance de l’administration se relâcha. L’abusa reparu dans des proportions et avec des conséquences telles qu’une commotion politique en Europe eût pu à la fin amener une crise financière désastreuse pour la Turquie.

Voici quelles sont, dans la situation présente, les conséquences du cours abusif des monnaies étrangères. Constantinople n’est pas seulement le principal entrepôt du commerce de la Turquie ; c’est en même temps le point par où passent toutes les denrées coloniales et les objets de commerce destinés à la

  1. Il y a quarante paras dans la piastre.