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déconcertait l’emphase obséquieuse du ministre. Que de fois, lorsque celui-ci, s’enveloppant de toute la pompe espagnole, se mettait aux pieds de sa majesté, que de fois la débonnaire majesté lui frappa doucement sur l’épaule, pour l’avertir de ne pas tant se consumer en cérémonies ! Il était donc bien naturel qu’on allât placer chez la branche aînée des cérémonies méconnues dans la branche cadette ; seulement on aurait pu mieux prendre son temps.

L’opinion légitimiste fait en vérité beaucoup de bruit ; bien entendu, nous n’accusons pas les sages. Il a encore été parlé ces jours derniers, entre autres choses, d’une brochure de M. de Larochejaquelein intitulée : Trois Questions soumises à la nation. Nous n’en dirons qu’un mot. Si la brochure de M. de Larochejaquelein a été faite pour empêcher, non pas la réunion des deux branches (tous les bons effets de cette réunion sont, selon nous, accomplis il y a long-temps, et ce qui reste à faire est inutile et frivole à faire en ce moment), si la brochure de M. de Larochejaquelein a été faite pour empêcher la durée de la bonne intelligence entre le parti légitimiste et le parti orléaniste, cette brochure a son mérite. Il est impossible ; en effet, de mieux ranimer les haines et les dissentimens, ou de paraître mieux en avoir l’intention. Le parti orléaniste ne peut, selon M. de Larochejaquelein, ni défendre la religion, ni défendre la famille, ni défendre la propriété. Son principe le lui interdit. Qu’a-t-il donc fait pendant dix-huit ans ? Est-ce qu’il a persécuté les prêtres, battu les autels, fermé les églises ? S’il n’a pas réussi à inspirer à quelques prêtres le même zèle que leur ont inspiré plus tard les planteurs d’arbres de la liberté, c’est un malheur assurément, mais pour qui ? Quant à la famille, la monarchie de juillet la défendait et l’honorait par les exemples qui descendaient du trône. La propriété ! à peine quelques rêveurs pesaient contre elle des utopies impuissantes. La monarchie de juillet a été pour la France, malgré tout, une époque d’ordre et de bon sens, et le parti orléaniste a droit de défendre aujourd’hui les grandes convictions de l’ordre social, parce qu’il ne les a jamais sacrifiées à ses ressentimens et à ses caprices, ni pendant dix-huit ans ni depuis deux ans.

Nous savons bien que M. de Larochejaquelein pourra se récrier sur nos paroles. Il ne veut pas de mal au parti orléaniste ; il veut seulement, c’est son expression, l’effacer sans l’humilier, et comment le parti orléaniste s’effacera- t-il ? En faisant amende honorable, en disant son peccavi à haute et intelligible voix. Voilà ce que M. Larochejaquelein appelle ne pas humilier. Ce n’est pas tout : quand le parti orléaniste aura fait cette confession, de quel côté pensez-vous qu’on aura mieux immolé le vieil Adam ? L’effort de cœur et le mérite seront du côté de ceux qui accorderont le pardon, et non pas, entendez-le bien, du côté de ceux qui demanderont ce pardon. L’honneur sera à M. de Larochejaquelein, qui sera clément, et non au parti orléaniste, qui sera humble. « Il faut tant oublier, dit M. de Larochejaquelein en parlant des conditions de son traite d’union ; il faut tant oublier, que l’on se demande comment il serait possible de ne plus tenir aucun compte du passé ; on se demande si le cœur humain peut oublier tant d’offenses et tant de luttes. Oui, l’intérêt du pays commande que tout s’oublie ; il y a des efforts qu’il faut savoir faire en ne conservant ni haine ni ressentiment ; mais comment se fait-il que ceux qui n’ont jamais offensé soient prêts à tendre la main à ceux dont ils ont eu tant à se plaindre, et que tout