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I

Le Dictionnaire des Sciences philosophiques est un livre qui restera. Outre sa valeur propre, qui est considérable, il aura droit de survivre, à un autre titre, comme l’œuvre collective d’une école dont il réfléchit l’esprit et résume les travaux. C’est une chose digne d’observation que toute école de philosophie qui a joui de quelque renom et exercé quelque influence ait produit à un jour marqué son œuvre encyclopédique. Le cartésianisme eut la sienne, non certes dans le fameux Dictionnaire historique et critique de Bayle, où la philosophie de Descartes ne se montre que pour devenir pièce au procès entre : les mains de celui que Voltaire appelait fort bien l’avocat-général du scepticisme ; mais dans un recueil peu connu et non sans mérite, le dictionnaire de Chauvin. Quand le système de Leibnitz, continué par Wolf et Bilfinger, eut détrôné celui des purs cartésiens, le Lexique de Walch servit à répandre et à populariser la nouvelle philosophie. Celle-ci s’éclipsant à son tour, l’école de Kant, qui lui succéda, vint, après soixante ans de vie, se condenser en quelque sorte dans l’encyclopédie philosophique de Krug (Encyclopaedisch-Philosophisches Lexikon, 1838) ; mais, de toutes ces entreprises, celle qui prime toutes les autres par son étendue, par son éclat, par son importance, c’est la grande Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert, monument gigantesque, où il faut voir plus que l’ouvrage d’une école, celui. d’un siècle. Ce nom éclatant, cet imposant souvenir, n’ont pas effrayé deux écrivains de nos jours. MM. Pierre Leroux et Jean Raynaud, qui se sont faits le Diderot et le d’Alembert d’une nouvelle Encyclopédie. Tout en rendant justice au zèle et au talent des auteurs, qui ont su associer à leurs efforts beaucoup d’hommes de mérite et quelques savans distingués, M. Serres, par exemple, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, tout en reconnaissant la valeur réelle de certains morceaux, les articles Ciel, Zoroastre, Augustin, Fénelon, et plusieurs autres, on peut dire que cette entreprise, un peu trop téméraire, après des efforts désespérés pour arriver à terme, a fini par avorter. Le Dictionnaire des sciences philosophiques a visé moins haut, mais il a eu l’avantage d’atteindre son but. Les auteurs n’ont pas prétendu embrasser le cadre immense des connaissances humaines ; en se réduisant aux problèmes spécialement philosophiques, à l’histoire et à la critique des grands systèmes, à la biographie des philosophes, enfin a la bibliographie et à la définition des termes, il leur a semblé qu’il restait une assez ample matière à leurs travaux. Deux conditions étaient nécessaires pour mener à bonne fin une entreprise ainsi sagement restreinte, mais bien vaste encore : d’abord une