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sauvé par un chef indien, qui vient, au péril de sa vie, le remettre à un ami de son père ; une vallée fortunée où l’enfant, devenu grand, s’éprend de la fille de son protecteur ; le mariage des deux jeunes gens et leurs amours longuement savourées en face de la nature ; puis, à côté de ces tableaux de bonheur, la guerre et ses fureurs ; les Indiens déchaînés comme des démons par les Anglais sur l’heureuse colonie de Wyoming ; Oulassi, le chef indien, sortant de ses solitudes pour avertir du danger qui s’approche celui qu’il a autrefois sauvé ; Gertrude enfin frappée d’une balle devant son époux, et Oulassi entonnant sur son cadavre un chant de menace : tel était le sujet du nouveau poème. Cette fois il n’était plus question des hauts faits et des miracles d’une abstraction ; il s’agissait d’une histoire d’amour ; d’un récit pittoresque et pathétique, cherchant même la couleur locale et la poésie particulière du sauvage avec son stoïcisme, ses croyances et son costume.

L’histoire pathétique et pittoresque de Gertrude mit le comble à la gloire de Campbell. Les éloges furent presque sans réserve. « Tant d’applaudissemens, lisons-nous dans une lettre de Thomas Telford, vont donner le délire à Campbell, ou lui faire compléter son poème épique sur Bruce. » - « Jamais, écrivait au même Telford le docteur Alison, jamais vous ne nous avez fait une aussi grande faveur qu’en nous envoyant Gertrude ; je redoutais de la voir paraître, mais je l’ai vue, et elle est plus angélique encore que je n’osais l’espérer, et aussi immortelle que son auteur… Dugald Stewart avait insisté pour la lire d’abord en à parte ; il rentra au salon, pâle, comme un fantôme et littéralement malade d’avoir pleuré. Le ravissement de mistress Stewart croissait à chaque vers. Quand je me hasardai à suggérer que peut-être un peu plus de développemens n’aurait pas nui, elle déclara positivement que l’œuvre était parfaite, et que, pour tout l’univers, elle n’eût jamais pu lire une page de plus. »

La Revue d’Édimbourg ne fut pas moins prodigue d’enthousiasme « L’œuvre nouvelle, disait-elle, est à la hauteur du Château de l’Indolence et des plus belles portions du Fairie Queen ; avec plus de sentiment que n’en montre Thompson, avec plus de condensation et de fini que n’en possède Spencer. » Faisant alors allusion aux poèmes populaires du jour, l’écrivain continuait : « Plus d’une fois nous avons eu occasion de rendre justice à la puissance et à l’originalité de ces brillantes productions ; mais, nous ne pouvons nous empêcher de le dire, la Gertrude de M. Campbell se rapproche encore bien davantage de ce que nous concevons comme la pureté et la perfection idéale de la poésie. » un peu plus loin : « Il y a deux nobles espèces de poésie, la Poésie pathétique et la poésie sublime ; nous pensons que l’auteur a fait preuve d’un talent supérieur pour ces deux genres. » Dans le même article, je trouve une phrase qui mérite d’appeler l’attention. « De