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on ne fît beaucoup de miracles, ils offrirent de ressusciter un mort, et même tel mort qu’on voudrait choisir… Le ministère anglais prît le parti qu’on aurait dû toujours prendre avec les hommes à miracles : on leur permit de déterrer un mort dans le cimetière de l’église cathédrale. La place fut entourée de gardes. Tout se passa juridiquement. La scène finit par mettre au pilori les prophètes. » A Dieu ne plaise que nous demandions un dénoûment de ce genre pour les initiateurs de Londres ! mais, eux aussi, ils veulent ressusciter leur mort : M. Ledru-Rollin, son gouvernement provisoire ; M. Mazzini, sa dictature de Rome ; M. Ruge, son parlement de Francfort. Les morts ne ressusciteront pas, et les initiateurs de 1850 ne feront pas plus de miracles que les prophètes de 1710.

La montagne de Paris n’a pas les grandes prétentions de la montagne de Londres. Elle ne veut pas ressusciter les morts ; elle ne veut pas fonder le budget des peuples. Elle veut dire seulement ce qu’elle aurait fait si elle avait eu la majorité, et surtout elle veut expliquer sa conduite dans la discussion sur le suffrage universel. C’est là en effet, on s’en souvient, le sujet d’une grosse querelle entre la montagne de Paris et la montagne de Londres. La montagne de Londres reproche à celle de Paris d’avoir assoupi et endormi le peuple quand le suffrage universel a été réformé, et de n’avoir point hardiment poussé le cri aux armes ! La montagne de Paris pourrait répondre avec beaucoup de vérité, selon nous, que quand même elle aurait poussé le cri aux armes ! elle n’aurait pas été écoutée, et qu’il n’y aurait pas eu d’écho dans le pays. C’est même ce que répond hardiment M. Proudhon, qui dit tout ; mais la montagne de Paris se croit obligée à des ménagemens. Elle ne veut pas discréditer cette force insurrectionnelle qui est sa dernière raison, qu’elle croit assoupie pour le moment, mais qu’elle ne croit pas morte ; elle n’ose pas dire, comme M. Proudhon, qu’il n’y a plus d’insurrection. Ne voulant pas faire la bonne réponse, elle est forcée de se jeter dans des subtilités. Elle commence par déclarer que la loi sur le suffrage universel viole la constitution. — Eh bien alors ! crie la montagne de Londres, il fallait s’insurger ; il fallait courir aux armes, faire ce que nous avons fait le 13 juin 1849, dussiez-vous avoir le même sort. — La montagne de Paris n’entend pas de cette oreille-là. L’insurrection n’était pas faisable, et c’est en vain que les montagnards eussent quitté leurs siéges de représentans qui leur sont si doux. « La retraite, dit le manifeste, c’est-à-dire la démission, emportait avec elle la vacance de nos siéges, non-seulement pour nous, mais encore pour tout représentant de la démocratie socialiste, car nous ne pouvions, sans mentir à nos principes, en appeler contre la majorité du suffrage universel au suffrage -restreint, du pays tout entier au pays légal qu’on allait constituer. Au moment où la presse était frappée, le droit de réunion supprimé, c’était donc abandonner aux ennemis de la révolution toute l’influence de la tribune ; c’était leur laisser le champ libre pour le jour où ils voudront agiter la grave question de la révision de la constitution. La retraite dans ces conditions eût été fatale à la cause de la démocratie. » C’est donc dans l’intérêt de la démocratie que les montagnards de Paris sont restés sur leur siége, en dépit de la violation de la constitution. Soit ! nous ne voulons pas discuter le manifeste et intervenir dans cette querelle de famille entre les deux montagnes. Il est deux points cependant que nous voulons noter brièvement. Un des argumens