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REVUE LITTERAIRE.




ACADEMIE FRANCAISE.
LA SEANCE ANNUELLE. - LES LAUREATS.




Si jamais il fut facile de concevoir l’influence heureuse que pourrait exercer un grand corps littéraire doué en même temps d’une certaine supériorité morale, n’est-ce point à une époque comme la nôtre, où les esprits sont arrivés dans toutes les sphères de la pensée, à un tel degré d’avilissement et d’incertitude, qu’ils sentent le besoin d’une impulsion meilleure, de quelque chose qui ressemble à de l’autorité intellectuelle ? Et cette influence heureuse, bienfaisante, ne pourrait-elle point appartenir, dans une certaine mesure du moins, à l’Académie française ? C’est un destin singulier, en vérité, que celui de l’Académie : comme toutes les institutions qui ne sont point fondées sur un caprice, sur une fantaisie, mais qui répondent à un instinct vrai et durable d’un pays, elle a traversé tous les régimes, survécu à toutes les transformations politiques, voyant même s’élargir les limites de son action et devenant la dispensatrice des libéralités de quelques hommes généreux envers les lettres. C’est ainsi que, formée d’abord pour le maintien de la langue et de certaines traditions de l’esprit, sa mission s’est successivement étendue. Il y a dans l’idée qui a présidé à la création de l’Académie française, et qui fait d’elle comme un centre reconnu de distinction, d’aristocratie intellectuelle, quelque chose de si naturellement d’accord avec nos penchans et nos goûts, avec le caractère de notre civilisation, qu’il lui est aisé d’échapper aux déclamations démocratiques comme aux railleries, qu’elle n’a qu’à être bien elle-même, à vrai dire, pour exercer un utile et sérieux