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LITTERATURE AMERICAINE.




DU CULTE DES HEROS.


CARLYLE ET EMERSON


Representative Men, seven Lectures, by Ralph-Waldo Emerson, 1 vol. in-18, London, Henri Bohn, York-Street Covent-Garden, 1850.




En l’année. 1848, alors que les masses seules étaient maîtresses et que les rares et chétives individualités qui nous restaient semblaient rentrées sous terre, alors que le suffrage universel était partout organisé, et que cette maxime : le nombre fait la sagesse, recevait partout son application, le philosophe Émerson passait l’Océan et venait à Londres faire des leçons publiques sur les grands hommes, sur les individus qui concentrent et absorbent en eux les qualités et les pensées des masses, qui résument toute une époque ou qui la créent, et qui se font ainsi immortels en se faisant les maîtres du temps.

Le philosophe Émerson est pour nous une vieille connaissance, et nous l’avons étudié ici même avec amour[1], à cause de sa haine du vulgaire, de son affection pour la grandeur individuelle et pour tous les hommes vertueux et héroïques qui répandent quelque lumière sur les masses muettes et sombres du genre humain. Aujourd’hui, en face des empiétemens de la démagogie, ennemie de la vertu et de l’intelligence encore plus que de la naissance et de la fortune, Emerson ne se contente pas, ainsi que le fait Carlyle, de poser les grands hommes

  1. Voyez la livraison du 1er août 1847.