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départ le cours forcé ; entre le moment où le papier de banque était la monnaie obligatoire et celui où il doit redevenir un simple agent de crédit, il faut à l’opinion publique un autre trait d’union que la volonté encore inexpliquée du gouvernement. Ce qui a probablement déterminé M. le ministre des finances, c’est l’espoir d’imprimer, en rendant la Banque a son état normal, une impulsion active aux affaires. Le gouvernement a sans doute pensé qu’il devait, pour relever la confiance générale, montrer lui-même une grande confiance dans l’avenir. L’abrogation du cours forcé procède du même plan qui conduit la politique ministérielle à attacher un peu trop exclusivement ses regards au taux des fonds publics.

Il y a là une sollicitude et un empressement qui ont certes leur côté louable. Si je mêle à l’éloge une part de critique, c’est que le zèle, à mon avis, dans les affaires politiques, ne doit pas aller jusqu’à l’impatience ni jusqu’à devancer l’opportunité. Quoi que l’on puisse faire, la hausse des fonds et l’assurance du gouvernement ne réagiront que médiocrement sur l’état des esprits. Que la politique du gouvernement, au contraire, donne toute sécurite au pays, que les institutions perdent ce caractère d’instabilité que les révolutionnaires de tous les temps et de tous les pays aiment à y attacher, et l’on n’aura pas besoin de se préoccuper de l’état du crédit ni de l’activité du commerce et de l’industrie. Il faut toujours en revenir au mot si profond et si vrai du baron Louis : « Donnez-moi une bonne politique, et je vous donnerai de bonnes finances. »

Le malaise des intérêts ne peut cesser qu’avec la période révolutionnaire. Après la commotion de juillet 1830, qui n’avait fait que déplacer le trône, trois années furent nécessaires à la France pour rentrer dans le calme qui précède et qui amène la prospérité. Il ne faudra pas un intervalle moins long aujourd’hui, après une révolution qui a renversé la monarchie elle-même, pour nous lancer, à travers l’anarchie républicaine, à la recherche de l’inconnu : Sachons donc nous résigner et attendre. Travaillons à déterminer un état meilleur ; mais ne le proclamons pas avant qu’il soit venu. Les gouvernemens ne gagnent pas plus que les individus à se repaître d’illusions, à afficher une grandeur factice ; et, quand ils feraient illusion à leurs contemporains, ils ne parviendraient ni à se tromper eux-mêmes ni à désarmer les jugemens de la postérité.


LEON FAUCHER.


Cauterets, le 8 août 1850.