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veux dire une nouvelle exposition du dogme catholique. Or, voici I’ écueil où tous deux sont venus se heurter : on a trouvé qu’en voulant éclaircir les mystères de la religion, ils les détruisaient.

Chose remarquable ! ces mêmes esprits qui se défient si fort de l’esprit humain, quand il s’applique librement aux objets les plus simples et les plus accessibles, lui veulent conférer l’exorbitant privilège de voir clair dans les abîmes les plus redoutables du dogme théologique. Ils n’accordent qu’avec beaucoup de peine à la raison la distinction du bien et du mal et l’existence de Dieu, et voici que l’un d’eux, M. Bautain, n’hésite pas à proposer une explication toute rationnelle de la sainte trinité et de l’incarnation. Avec plus de mesure, M. Maret a également essayé de porter au plus profond de la théologie le flambeau de la raison. Les théologiens se sont émus. On sait qu’une sorte d’amende honorable fut jadis exigée de M. Bautain par son évêque. Si l’esprit plus discret de M. Maret a rendu l’épiscopat moins ombrageux pour ses doctrines, il s’est rencontré des hommes sévères, des catholiques rigides, qui ont signalé sa théologie comme peu correcte, nouvelle, sentant l’hérésie. Au premier rang, il faut citer M. Bonnetty, très savant homme, qui réunit autour de ses Annales de philosophie chrétienne toute une milice de jeunes membres du clergé. M. Maret s’est défendu, et il a trouvé de zélés et habiles avocats : M. l’abbé Darboy, du Correspondant et du Mémorial catholique, un jésuite instruit, le père Chastel, et l’un des nouveaux bénédictins de Solesmes, le révérend père dom Gardereau. De là une polémique fort animée, fort intéressante, où il est curieux de rechercher les dispositions diverses et les luttes intérieures du clergé.

Que disent les écrivains des Annales de philosophie chrétienne ? Ils disent à M. l’abbé Maret et à ses amis : Votre théologie rationnelle est le fléau de la religion. Au lieu de suivre docilement la tradition, de prononcer les paroles consacrées par l’église, vous portez dans la théologie une métaphysique indiscrète, arbitraire, infectée de l’esprit du siècle. Au lieu des trois personnes de la Trinité, vous parlez de trois facultés, de trois propriétés, de trois principes. Au lieu de création, vous parlez de manifestation universelle et progressive ; c’est parler comme nos modernes sabelliens de France et d’Allemagne. Quelle est la source de ces erreurs ? c’est que, vous aussi, vous caressez la chimère du temps, l’autorité de la raison. Vous attaquez à grand bruit, il est vrai, le rationalisme et le panthéisme ; au fond, vous êtes des rationalistes et des panthéistes. Vous reconnaissez à la raison humaine des droits qu’elle n’a pas, le droit de tirer de son propre fonds la règle des mœurs, le droit de concevoir par sa seule vertu et de démontrer l’existence de Dieu. Vous allez jusqu’à dire que la raison est une révélation naturelle : c’est rendre inutile l’autre révélation ; c’est la nier indirectement ;