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place où je vis quelques attroupemens. Me fiant alors à la vigueur de mon cheval, je partis comme une flèche, passai au milieu des groupes, sortis de la ville, et gagnai la campagne.

Vers midi, j’étais à Vérone ; je traversai les rues au galop d’un air triomphant ; les habitans accouraient sur leurs portes, attachant sur moi des regards où se lisait la malveillance. « Oui, me voilà, aurais-je voulu leur dire, et derrière moi vingt-cinq mille hommes avec assez d’artillerie pour mettre votre ville en poudre. » J’entrai chez le maréchal ; il eut la bonté de me témoigner quelque joie de me revoir, et me dit « qu’il savait bien que je serais le premier à lui annoncer l’arrivée des troupes du général Nugent. » C’est par de telles marques d’intérêt, par de telles paroles d’encouragement, que le maréchal gagnait les cœurs des officiers de son armée ; aussi étions-nous tous prêts à nous sacrifier, pour lui assurer l’honneur de faire triompher les armes impériales au terme comme au début de sa glorieuse carrière.

Le maréchal, espérant que Vicence pourrait être emportée d’assaut, envoya dans la soirée l’ordre au général Thurn de tenter un nouveau coup de main sur la vile. Le 23 les troupes marchèrent à l’attaque : les obus et les raquettes mirent le feu à quelques maisons ; mais l’ennemi, qui était maître du mont Berico, foudroya de telle manière nos colonnes en front et en flanc avec son artillerie placée sur les hauteurs, que le général Thurn comprit qu’il faudrait attaquer la ville régulièrement et pendant plusieurs jours avant de s’en emparer. Il fit donc cesser le combat, et, s’étant mis en marche le jour suivant, il arriva à Vérone avec l’avant-garde le 24 mai dans l’après-midi.

Ce qui avait décidé le maréchal à me charger d’ordres aussi pressans pour hâter la marche du corps d’armée du général Thurn, c’est qu’il savait que Peschiera, assiégée par les Piémontais, était réduite à la dernière extrémité. Dès que les troupes du général Thurn furent arrivées à Vérone, il résolut donc d’aller passer le Mincio à Mantoue et de remonter la rivière sur la rive droite ; par cette marche hardie, les Piémontais devaient se trouver tournés sur leur droite dans les positions qu’ils occupaient et obligés d’abandonner la ligne du Mincio sans combat, ou bien ils étaient forcés d’accepter une bataille soit dans les plaines de Goito, soit sur les hauteurs de Volta. — Qu’ils abandonnassent la ligne du Mincio sans combat, ou qu’ils acceptassent la bataille et la perdissent, ils étaient également, dans ces deux cas, réduits à lever le siège de Peschiera, et le maréchal avait atteint son but.

Le 25 mai, les troupes se reposèrent, et, pendant la journée du 26, j’appris que l’on devait marcher le lendemain. En effet, dans la soirée du 27, toute l’armée sortit de la ville ; l’ordre avait été donné de n’emmener ni bagages ni chevaux de main, parce qu’il s’agissait, disait-on, d’une simple reconnaissance. Le secret sur la marche des troupes, sur