mort est venue le frapper inopinément. Il a été remplacé aussitôt par le vice-président, ainsi que le veut la constitution des États-Unis.
L’été, qui a tant de séductions pour les promeneurs et les hommes de loisir, n’est pas la saison propice aux théâtres, surtout aux théâtres lyriques. Dans toute l’Europe il n’y a guère que Londres qui fasse exception à la règle, et où l’on chante plus fort pendant les ardeurs de la canicule qu’aux mois de janvier et de février. Ne faut-il pas que la vieille Angleterre conserve son originalité jusque dans les moindres détails de la vie ? Parmi les nouveautés musicales qui se sont produites à Londres pendant le cours de cette année, la plus piquante de toutes, c’est, sans contredit, l’ouvrage que MM. Scribe et Halévy ont composé tout exprès pour le Théâtre de la Reine. Il faut vivre dans un temps de spéculations et d’entreprises hasardeuses comme le nôtre, pour voir un homme d’esprit comme M. Scribe et un musicien timoré comme M. Halévy s’attaquer à l’un des plus grands poètes qui aient existé, à Shakspeare. Oui, vraiment, l’auteur de Bertrand et Raton, qui ne doute de rien, a découpé en trois actes d’opéra l’admirable fantaisie que Shakspeare a intitulée la Tempête, et M. Halévy, tout modeste qu’il est, a bien voulu prêter le concours de sa muse à l’exécution d’une œuvre pour laquelle il aurait fallu le génie de Weber ou de Beethoven. Les Anglais, qui n’y regardent pas de si près quand on flatte leur vanité nationale, ont accueilli MM. Scribe et Halévy avec une fastueuse courtoisie ; on les a promenés dans Londres, on leur a donné des fêtes splendides, et, pendant plus d’une semaine, ils ont été les héros de la fashion.
La Tempesta a été représentée sur le Théâtre de la Reine le 13 juin dernier. Mmes Sontag, Carlotta Grisi, M. Lablache et un ténor qui s’est fait entendre pour la première fois, M. Beaucardi, remplissaient les rôles importans. S’il fallait en croire les journaux dévoués aux intérêts de l’habile directeur du théâtre de sa majesté, M. Lumley, le succès de la Tempesta aurait été des plus éclatans. Le livret de M. Scribe et la musique de M. Halévy ne seraient rien moins qu’un chef-d’œuvre à mettre à côté de l’Oberon de Weber ! Nous ne ferons pas l’injure à M. Halévy de prendre au sérieux ces exagérations d’impresario in augustie. L’auteur de la Juive et de l’Éclair est un compositeur trop sérieux et trop éclairé pour ne pas avoir été blessé d’un rapprochement aussi choquant. Les hommes comme Weber ne se fabriquent pas dans les ateliers du Conservatoire, et il faut n’avoir jamais entendu dix mesures de l’auteur du Freyschütz et d’Oberon pour oser se permettre de pareilles énormités. La vérité est que la Tempesta n’a eu qu’un succès de curiosité et de vanité nationale. Après dix ou quinze représentations bruyantes, l’ouvrage de M. Halévy est allé rejoindre tant d’autres prétendus chefs-d’œuvre enfantés par les spéculateurs et la camaraderie.
Nous sommes bien plus heureux en France qu’en Angleterre. Les théâtres subventionnés par l’état pour soutenir les grandes traditions de l’art ne trouvent rien de mieux pour atteindre le but désiré que de fermer leurs portes. C’est ce que vient de faire le théâtre de l’Opéra, qui a donné congé à ses artistes pour deux mois, sous l’excellent prétexte que la salle avait besoin de réparations : Ah ! du temps fabuleux de la monarchie, alors que les deniers de la nation étaient à la merci d’un petit nombre de privilégiés, comme disent les Catons de