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Déjà nous avons sous les yeux les premières livraisons d’un ouvrage qui peut rivaliser avec les plus magnifiques publications de la librairie française. Deux artistes américains, MM. Brady et Davignon, se sont unis à un écrivain de mérite, Lester, pour publier une Galerie des Américains illustres[1]. Les éditeurs nous apprennent qu’après avoir comparé entre eux tous les caractères typographiques des deux mondes, ils ont arrêté leur choix sur un nouveau modèle français qu’ils déclarent le plus beau qui existe, et dont ils ont demandé la reproduction au meilleur fondeur de New-York. Nous avons cru devoir relever cet hommage rendu à la typographie française, et en jetant les yeux sur la Galerie des Américains illustres, personne ne sera tenté de démentir ses éditeurs. C’est là du reste le seul emprunt fait au vieux monde, et tout le reste est américain dans cette belle publication in-folio. Cette curieuse Galerie s’est ouverte par les biographies du général Taylor, de MM. Webster et Calhoun. Déjà deux de ces hommes éminens ont été frappés par la mort depuis la publication des notices qui leur étaient consacrées : M. Calhoun il y a quelques mois, le général Taylor il y a trois semaines.

Le général Taylor, comme presque tous les hommes qui ont jusqu’ici occupé le siége présidentiel, était né en Virginie. Son père, le colonel Taylor, avait combattu aux côtés de Washington pendant toute la guerre de l’indépendance. À la paix, il résolut de quitter la Virginie pour s’enfoncer dans les contrées plus fertiles de l’ouest. Il accompagna Daniel Boon dans la reconnaissance que celui-ci fit du Kentucky, et seul, à pied, il s’aventura à travers des forêts inconnues et habitées par des peuplades féroces jusqu’à la Nouvelle-Orléans. À son retour de cette expédition périlleuse, il emmena sa famille et son fils, âgé alors de six ans, dans les forêts du Kentucky. Cette partie des États-Unis a été appelée la terre noire et sanglante à cause de la couleur du sol et des luttes acharnées que les premiers colons eurent à soutenir contre les sauvages. Leur existence était un combat perpétuel. Cette vie de périls et de luttes développa chez le jeune Taylor les qualités militaires dont il devait faire preuve plus tard. Au premier bruit de la guerre contre les Anglais, en 1807, le jeune Taylor courut s’enrôler sous les drapeaux de l’Union. Il fut chargé de garder le cours de la Wabash. En 1812, il commandait la garnison du fort Henderson, composée de cinquante-deux hommes seulement, lorsqu’il fut inopinément attaqué au milieu de la nuit par un parti ennemi, qui réussit à mettre le feu au fort. Taylor, avec sa poignée de soldats, éteignit le feu, fit face partout, et obligea l’ennemi à se retirer. C’est ainsi qu’il gagna le grade de major. Dans la guerre contre les Indiens, soit en Floride, soit sur la rivière de l’Arkansas, il parcourut successivement tous les échelons de la carrière militaire jusqu’au rang de général. Il avait été nommé au commandement d’un corps d’observation sur les frontières du Mexique, lorsqu’une agression des Mexicains vint lui donner l’occasion de franchir le Rio-Grande et de gagner à Palo-Alto sa première bataille. Les victoires de Reseca, de la Palma, de Monterey et de Buena-Vista montrèrent en lui le vaillant soldat et l’habile capitaine, et le désignèrent aux suffrages de ses compatriotes pour la présidence. Le général Taylor, élu au mois de novembre 1848, était entré en fonctions le 1er mars 1849. Il y avait donc seize mois seulement qu’il était assis sur le siége des Washington et des Jefferson, quand la

  1. New-York, Wiley, Putman et Cie.