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nullement à la France et à aucun peuple de l’Europe. C’est une forme de gouvernement complètement originale, qui n’a existé qu’une fois et dans un seul pays, et qui ne peut, je le crois, malgré sa flexibilité apparente, donner que très peu de variétés d’elle-même, d’où il résulte qu’il est assez difficile de faire accorder ce gouvernement avec des mœurs et des traditions différentes des mœurs et des traditions du peuple anglais ; mais enfin ce gouvernement ou ce commentaire de gouvernement était le seul possible alors, il est le seul possible aujourd’hui et même demain. Nous en sommes pour long-temps au système exclusivement représentatif et parlementaire. Cela étant, quelle nécessité si impérieuse nous a donc poussés à renverser un gouvernement représentatif pour en établir un autre qui vaut beaucoup moins ? Pour nous, la chose essentielle, ce n’était pas d’avoir un gouvernement tout neuf, dussions-nous- y être gênés ; c’était d’avoir un gouvernement commode, dans lequel il nous fût possible de nous traîner, de nous remuer à l’aise, comme des enfans turbulens que nous sommes. Or, depuis qu’on nous a donné de si beaux habits, nous ne savons comment nous y mouvoir sans leur faire quelque accroc, chose fort désagréable, car aussitôt des milliers de voix se mettent à crier : Il a déchiré son habit, qu’on le punisse, qu’on le mette en prison : aux armes, citoyens ! Tel est l’inconvénient d’avoir des habits trop neufs. Pour les peuples qui ne croient plus à leur gouvernement, qui n’ont plus l’amour de l’autorité et le respect du pouvoir, il n’est pas tant besoin d’institutions nouvelles que d’institutions commodes, afin que les gouvernans et les gouvernés aient moins de sujets de querelles, et puissent vivre ensemble en bons rapports.

Au point de vue religieux, la révolution de février est athée dans ses désirs, dans ses idées, dans ses doctrines et dans son principe. Voyons son principe : son principe, c’est cette malheureuse souveraineté du peuple qui court les rues depuis un siècle. Or, la souveraineté du peuple, qui est une idée si simple en apparence, est certainement la plus mystique et la plus obscure de toutes. Quand on la considère au point de vue religieux, on voit qu’il y a en effet un droit divin populaire, une démocratie supérieure et antérieure à toute souveraineté et à tout gouvernement. Le peuple, nous l’avons dit, n’appartient à aucun temps, ne relève de personne, si ce n’est de Dieu. Or, comme première conséquence, cette idée nous transporte immédiatement à une époque antérieure à tout gouvernement temporel ; comme seconde conséquence, savez-vous quel est le gouvernement qui sort de cette idée ? C’est le gouvernement spirituel absolu, c’est-à-dire la théocratie, non pas ce que nous avons coutume de nommer théocratie, mais la théocratie telle qu’elle a existé chez les Hébreux depuis Moïse jusqu’à Saül. Au point de vue religieux donc, si la souveraineté du peuple signifie