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donner de bons avis sur le sort qui lui est réservé ; qu’elle tâche donc de profiter de leurs conseils. Se laissera-t-elle tomber entre leurs mains comme un fruit mûr, elle qui semblait trop jeune encore pour pouvoir gouverner ? Est-ce donc pour se laisser ainsi sacrifier qu’elle a fait pour son compte et qu’elle a laissé faire, hélas ! tant de choses ? Est-ce donc pour cela qu’elle a supporté les caprices militaires et les fantaisies guerrières de l’empire ? Est-ce donc pour cela qu’elle s’est laissé faucher par la terreur ? Est-ce donc pour cela que, depuis six siècles, elle a travaillé, elle a acheté des chartes, établi des communes, fondé des corporations, créé des municipalités ? Est-ce donc pour être à la fin disséquée par M. Louis Blanc et défendue par M. Marrast que ses représentans, depuis trois siècles, se sont appelés tour à tour Luther, Cromwell, Voltaire, Mirabeau et Bonaparte ? Sachez donc, ô bourgeois ! qu’il se trouvera toujours, lorsque vous commettrez quelque faute, un petit Robespierre pour vous égorger, et ensuite un Napoléon pour vous étriller et vous punir de vous être laissé égorger. Vos fautes ne sont pas, comme celles des rois, expiées par vos descendans et punies sur votre postérité ! Non, non, vos fautes apportent avec elles leur châtiment immédiat, c’est sur votre dos que pleuvront les coups, c’est vous- mêmes qui serez punis. Avisez donc et voyez ce que vous avez à faire. La révolution de février parle un langage éclatant, bien net, bien compréhensible, et pourtant je crains que vous n’avez pas encore assez compris !

Il est très évident que le point fondamental de la révolution de février est cette tentative de révolution sociale, tentative qui s’est transformée en une menace toujours suspendue sur nos têtes. Quant aux changemens politiques que cette révolution a fait subir à la France, ils sont complètement nuls. Au point de vue politique, cette révolution a été bien nommée une catastrophe. Sous prétexte de faire avancer les choses, elle les a fait reculer. C’est une révolution rétrograde.

Personne ne s’abuse en France sur les conditions que soixante ans de troubles imposent aux gouvernemens et sur les transformations que ces soixante ans ont fait subir à la nation. Nous sommes dans un temps de transition ; seulement, quand finira cette transition ? comment finira-t-elle ? — Elle cessera dès que nous serons au pouvoir et que la démocratie sera triomphante, disaient les radicaux avant février ; lorsque nous aurons abattu ce système bâtard importé d’Angleterre ; cette oligarchie du cens, cette prépondérance des intérêts matériels. — Vous avez vu ce qui est résulté de cette prétention radicale. Nous ne nous abusons pas sur le gouvernement constitutionnel. Nous n’avons jamais eu en France le gouvernement constitutionnel, mais bien plutôt un commentaire de ce gouvernement. Il est très possible, il est probable même que, tel qu’il est appliqué en Angleterre, il ne convient