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avons-nous dit ; oui, et en généralisant tant soit peu, en étendant cette définition des individus à la série entière des faits, ce sont des plaidoyers pour et contre la révolution de février. Cette abondance d’histoires est arrivée au moment précis où, dans l’ordre des faits politiques, s’opérait la séparation bien tranchée des deux périodes de cette révolution. C’est une preuve évidente que, dans la pensée même de ses auteurs, la révolution change de forme, et que leur œuvre est sinon morte, au moins si méconnaissable, qu’ils ne la reconnaissent plus. C’est pour qu’on n’oublie pas cette douce image qu’ils ont essayé de la recomposer par le souvenir ; mais en vérité elle n’était pas belle déjà, et leurs souvenirs ne l’embellissent pas.

Ces histoires et ces pamphlets se divisent en trois catégories : il y a d’abord les histoires personnelles, apologies d’un personnage incriminé ou idolâtre de lui-même : tels sont les livres de M. de Lamartine, de M. Louis Blanc, de M. Proudhon ; puis il y a les histoires plus ou moins complètes des faits : telles sont les histoires de Daniel Stern et de M. Élias Regnault ; enfin, il y a les chroniques scandaleuses racontées par les émigrés et les exilés du parti, comme MM. Chenu et de La Hodde. Quoique assez peu édifians, les souvenirs de ces derniers sont les seuls qui soient réellement intéressans, les seuls qui nous aient appris quelque chose de nouveau. Effectivement, si tous ces livres sont curieux comme apologies ou accusations personnelles, au point de vue des faits ils sont insignifians et ennuyeux. On dirait que les auteurs ne savent rien ou n’ont rien voulu dire ; un seul, M. Élias Regnault, nous a donné de nouveaux détails sur le 16 avril avec une franchise et une honnêteté qui l’honorent. Au point de vue historique, il n’y a rien à tirer de toutes ces publications, rien ou très peu de chose ; tout ce qu’elles contiennent d’anecdotes n’est plus aujourd’hui que comme un recueil vieilli de bons mots et de joyeuses facéties. Les dangers dont elles nous entretiennent sont déjà loin de nous, et nous n’avons pas à craindre de les voir reparaître. Les héros de M. Chenu, les victimes de M. de La Hodde sont morts pour toujours ; les fourbes ne reviendront jamais plus sur la scène politique : c’en est fait de la joyeuse canaille révolutionnaire et des facétieux coquins ; mais nous n’en avons pas fini avec les révolutionnaires véritables, avec ceux qui ont échoué en février, avec les terroristes et les spoliateurs. Ils ont été l’effroi du passé, ils sont aujourd’hui le seul danger de l’avenir. En eux seuls désormais se résument toutes les tendances, et, hélas ! faut-il le dire ? reposent toutes les espérances de cette fatale révolution. Quelles sont donc ses tendances ? Quelles sont ses idées et ses derniers secrets ? Commenta-t-elle échoué ? et pourquoi ? Telles sont les deux questions qui renferment à la fois tout le passé et tout l’avenir de notre société.