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dans chacun des écrits que nous avons sous les yeux. Chaque personnage songe à se défendre. Il plaide pour ses actes. En un mot, nous avons en plusieurs volumes la reproduction de cette fameuse séance où le général Cavaignac vint se défendre contre ses propres coreligionnaires d’avoir laissé se développer volontairement l’insurrection de juin. Est-ce qu’un tel empressement à se justifier ne prouve pas qu’ils se sentent coupables ? Ils se renvoient mutuellement tous les forfaits de cette révolution, et chaque excuse que présente l’un d’eux se trouve n’être en définitive qu’une accusation lancée sur le compte de quelque autre. Voilà les faits ; qui les a commis ? — Ce n’est pas moi, — ni moi. — ni moi, répondent-ils tous alternativement. — C’est M. Marie qui a établi les ateliers nationaux, dit M. Louis Blanc. — C’est M. Ledru-Rollin qui, de concert avec les clubistes de Paris, avait monté et ourdi la révolution du 16 avril, dit M. Élias Regnault. — Mais si nous n’avions pas eu la république, si je ne l’avais pas proclamée, chaque jour nous aurions eu une émeute nouvelle, dit M. de Lamartine. — Cependant l’excuse la plus bouffonne est celle qui a été trouvée par M. Ledru-Rollin. Au lieu de tant nous accuser, semble-t-il dire, vous devriez nous remercier d’avoir fait la révolution de février. Sans elle, nous roulions sur la pente de la décadence, nous tombions dans le même état que l’Angleterre. Un bel état, ma foi ! Heureusement, le peuple et moi, Ledru-Rollin, l’aidant et le poussant, nous vous en avons tirés. Encore une fois, ce sont des remerciemens que vous nous devez. — Puis viennent à leur tour les énergumènes du parti rouge. M. Alfred Delvau entre autres, dont le livre peut se résumer à peu près ainsi : Ledru-Rollin est un grand homme, mais les hommes du National, les Marrast, les Garnier-Pagès, sont des coquins ; j’en appelle à Pythagore, à Ocellus Lucanus, à Sénèque, à Bossuet, à Cicéron et Babœuf. — Enfin, lorsque tous les chefs du radicalisme se sont suffisamment injuriés, arrivent les échappés du parti et ses ex-surveillans gagés qui se mettent à crier : — Ils mentent tous, ils sont tous coupables ; n’en croyez aucun, excepté lorsqu’il dira du mal de son confrère. Ce qu’il dit de mal de son collègue est vrai, ce qu’il dit en bien de lui-même est faux. -Nous pensons que c’est assez d’injures comme cela, et nous pouvons répéter ce vers du poète que toute la France a semblé adresser aux révolutionnaires de février, lorsqu’elle les a précipités du pouvoir :

Claudite jam rivos, pueri, sat prata biberunt.

Tous ces livres sont un symptôme rassurant : ils indiquent que la révolution de février a irrévocablement accompli sa première phase, et que nous sommes définitivement entrés dans la seconde. Toutes ces histoires, ce sont des plaidoyers pour et contre les révolutionnaires,