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Il y a peu d’années, les caractères les plus en vogue en Italie sur les théâtres de marionnettes étaient Cassandrino à Rome, et Girolamo à Milan. À Naples, Pulcinella et Scaramuccia ont toujours régné sans partage.

Girolamo remplit à Milan le premier rôle dans toutes les farces, dans toutes les parodies, dans toutes les petites pièces à allusions satiriques, triple source dont s’alimente la fortune des fantoccini. On a vu Girolamo jouer Pirithoüs, dans une parodie d’Alceste, poudré à blanc, avec ailes de pigeon et bourse[1]. Dans cette farce, il accompagne Hercule aux enfers, et ses frayeurs pendant la route rappellent un peu les poltronneries qu’Aristophane prête, en pareille occasion, à Xanthias dans les Grenouilles. M. Bourquelot, en 1841, a trouvé Girolamo très amusant dans une pièce en cinq actes, le Terrible Maino, chef de brigands, mélodrame avec accompagnement de poignards, d’évanouissemens et de coups de pistolet. Le voyageur raconte agréablement qu’il eut pour 25 centimes une belle place au parterre, dans une jolie petite salle à trois rangs de loges, qu’il se prélassa sur un large banc de bois muni d’un dossier de même matière, qu’il entendit des airs d’opéra exécutés avec un certain ensemble, enfin qu’il vit une pièce à grand spectacle, ayant un ballet pour intermède, comme à la Scala[2]. Ajoutons que le plastron le plus ordinaire des plaisanteries de Girolamo est un Piémontais qu’on a grand soin de supposer parfaitement stupide, gracieuseté de bon voisinage que les fantoccini de Turin ne manquent pas de renvoyer à leurs petits confrères de Milan.

À Rome, le théâtre des burattini est privilégié ; on lui permet de continuer de jouer pendant la clôture obligée des autres théâtres, laquelle dure depuis les derniers jours du carnaval jusqu’aux fêtes de Noël. Ce théâtre, le meilleur qui existe peut-être en ce genre, occupe sur la place San Lorenzo in Lucina une salle basse du palais Fiano. Nous avons pour nous y introduire un guide excellent, un ancien écrivain de cette Revue, l’auteur de Rome, Naples et Florence. Pouvons-nous mieux faire que de lui céder la parole ?

« Hier, vers les neuf heures, dit M. Beyle, je sortais de ces salles magnifiques, voisines d’un jardin rempli d’orangers qu’on appelle le café Rospoli. Vis-à-vis se trouve le palais Fiano. Un homme à la porte d’une espèce de cave disait : « Entrate, ô signori ! entrez, messieurs ! voilà que ça va commencer ! » J’entrai en effet dans ce petit théâtre pour la somme de 28 centimes. Ce prix me fit redouter la mauvaise compagnie et les puces. Je fus bientôt rassuré ; j’avais pour voisins de bons bourgeois de Rome … Le peuple romain est peut-être celui de toute l’Europe qui aime et saisit le mieux la satire fine et mordante… La censure théâtrale est plus méticuleuse que celle de

  1. Lettre de M. Viguier dans le Monde dramatique, 1835, t. II, p. 35.
  2. Voyez les Marguerites nouveau keapsake ; Moulin, 1844, p. 75 et suiv.