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la véritable scène sur les tréteaux des charlatans, et déplore qu’un si noble exercice ne soit bientôt plus pratiqué que par un ramas de bateleurs grossier, ignorant et sordide, abietto, volgare e sordido[1]. Depuis lors, en effet, le goût des marionnettes est devenu et est demeuré si populaire en Italie, que des baraques de burattini (c’est le nom que les Italiens donnent généralement aux marionnettes) couvrent les places publiques de toutes les cités, sans préjudice des théâtres à demeure et des représentations dont les particuliers se donnent entre eux le plaisir.


II. – MARIONNETTES EN PLEIN AIR.

Voulez-vous, sans passer les Alpes, faire connaissance avec les marionnettes ambulantes de Florence et de Rome ? Suivez Lorenzo Lippi, l’auteur d’Il Malmantile Racquistato, sur la grande place de Florence, sans négliger de consulter son annotateur, Paolo Manucci[2]. Ou bien ouvrez la seconde édition du poème si populaire à Rome de Giuseppe Berneri, Il Meo Patacca[3], illustrée par le crayon naïf de Bartolomeo Pinelli[4]. L’artiste a dessiné un épisode du troisième chant, dont l’action se passe sur la place Navone ; il a indiqué, au second plan, les jeux populaires qui animent cette place. Les castelli di legno dei burattini n’y manquent point. Faites mieux encore : feuilletez un autre recueil du même artiste, Raccolta dei cinquanta costumi pittoreschi ; vous y trouverez une planche, la dixième, je crois, qui offre la représentation exacte et complète d’un casotto dei burattini. La toile est levée ; Pulcinella (Polichinelle) occupe bruyamment la scène. Un loup, ou demi-masque noir, lui couvre le haut du visage ; sa taille droite est serrée dans une casaque blanche ; sa tête est surmontée d’un bonnet blanc en mitre : c’est pour nous un type tout-à-fait nouveau et sans analogue, demi-arlequin et demi-pierrot. Pinelli a groupé autour de la baraque les dilettanti les plus ordinaires de ces théâtres plébéiens. Voici deux belles et robustes Romaines ; près d’elles, deux moines, plus occupés, disons-le, de Pulcinella que de leurs jolies voisines ; en face, quelques enfans, dont un se hausse sur un pavé, puis quelques vigoureux et basanés Trasteverini ; enfin un paysan attardé, qui jouit, assis sur son âne, de ce spectacle délectable et des lazzi qui l’assaisonnent.

  1. Baldi. De gli automati, etc., p. 10 et 11.
  2. Il Malmantile, tant. II, st. 46. Lippi décrit agréablement dans un autre passage (cant. I, st. 34) les fantoccini des rues qu’un petit paysan fait danser avec le pied ou le genou.
  3. Ce poème en douze chants contient la description des fêtes données à Rome pour la délivrance de Vienne et la victoire remportée par Jean Sobieski sur les Turcs.
  4. Rome, 1823. In-4° oblong, avec 53 planches. L’approbation de la première édition de ce poème porte la date du 6 décembre 1696.