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études persévérantes ont été entreprises ; elles ont produit déjà des résultats utiles. L’Exploration scientifique de l’Algérie, vaste publication ordonnée par le gouvernement, a mis au jour une masse de documens qu’on aurait vainement recherchés dans les traités ex Professo des érudits ou des orientalistes qui ont écrit jusqu’à ce jour sur ces matières, et cette encyclopédie algérienne vient de s’enrichir d’un monument considérable, le Précis de Jurisprudence musulmane selon le rite malékile, traduit par M. Perron, véritable corpus juris, qui comprend la collection de toutes les lois religieuses, politiques et civiles des populations barbaresques.

Dans l’islamisme, il n’y a qu’une loi, il n’y a que la loi. C’est la loi religieuse, qui embrasse à la fois le dogme, les prescriptions du culte et les règlemens de la vie civile. Cette loi étant l’émanation de la volonté de Dieu, qui en a posé les bases sommaires dans le koran, tout ce qu’elle renferme est également sacré et vénérable au même degré, depuis l’article qui règle l’institution du khaliphat jusqu’aux textes qui prescrivent l’attitude et les précautions à prendre pendant l’ablution. De là résulte à nos yeux, dans la rédaction du code islamique, une confusion apparente. Habitués que nous sommes à la séparation du spirituel d’avec le temporel, à la distinction du sacré et du profane, nous voyons des incohérences là où il y a en réalité connexion logique. En tête du code néanmoins sont placées cinquante-huit propositions ou principes formulés qui constituent le dogme ; c’est ce que les musulmans nomment el-din (la religion) pour le distinguer de la loi proprement dite, qu’ils appellent cherîà. Quant à la morale des Orientaux, elle est disséminée en quelque sorte dans leur jurisprudence. L’islamisme n’a jamais conçu l’idée de faire de la morale un traité distinct, un chapitre à part de la science de la vie. « Il semble, observe judicieusement M. Perron, que cet arrangement de choses ait voulu dire : La morale est la loi appliquée à tous les détails de la vie sociale et de la religion. » A la suite de l’exposé du dogme viennent en première ligne les pratiques du culte et les prescriptions de la liturgie, où l’on trouve tout ce qui regarde la prière, les ablutions, les cérémonies funéraires, puis les actes ou les règlemens de la vie civile. Après les devoirs de l’homme envers Dieu, les devoirs du sujet envers le prince et ceux des citoyens entre eux : — où trouver un ordre plus logique ? S’il n’existe aucune division tranchée entre ces diverses matières, c’est que, dans une société où la pratique religieuse prime tout, il n’est pas un détail qui, de près ou de loin, ne se rattache à quelque observation liturgique. En une foule de circonstances, c’est un précepte du culte qui établit ou infirme la validité des actes civils : par exemple, une vente conclue à l’heure de la prière solennelle du vendredi est par cela seul frappée de nullité. Le culte se mêle à tout : à l’hygiène publique, à la police générale, au droit, à la science, etc. Le législateur arabe, comme autrefois Moïse, forcé de prévoir et de régler jusqu’aux moindres circonstances, a dû, pour chaque incident de la vie, préparer une formule inviolable. Pour établir une puissante unité politique et fonder une grande nation avec des élémens aussi mobiles que l’étaient les tribus orientales, il lui fallut partout substituer son immuable volonté à l’initiative, individuelle, supprimer la liberté du corps aussi bien que celle de l’esprit, soumettre l’un et l’autre à une véritable discipline de caserne. Il a organisé une nation