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« Les derniers représentans socialistes par toi nommés, ces hommes de feu qui devaient tout embraser, ces révélateurs de l’avenir près de qui tout était obscurantisme et passé, ils ne se sont pas donné le temps de s’asseoir, de laisser sonner la douzième heure, que déjà ils avaient renié trois fois la révolution et abdiqué entre les mains de la réaction.

« Et la montagne, il faut bien lui dire ici ce que lui dira l’histoire. Elle s’est montrée indigne du grand nom dont ses ennemis l’avaient honorée. Dépourvue de mandat, elle a laissé mettre aux voix deux questions au-dessus de toutes les questions : la constitution et le suffrage universel ; elle a donc, en votant, habilité, autant qu’elle l’a pu, une majorité radicalement incapable, et légitimé l’usurpation. Puis, l’attentat commis, elle est demeurée sur ses sièges, comme s’il pouvait encore y avoir une opposition sérieuse, des garanties de droit là où ne règne plus que la force, et un peuple à représenter quand il a été mis au ban de la constitution. »

« Nous ne pouvons le taire, dit un autre proscrit, le citoyen Delescluze, dans cette circonstance suprême, c’est-à-dire dans la discussion électorale, la France républicaine a démérité devant sa propre estime. — « Ceux-là sont des fous ou des traîtres qui voudraient protester contre la mutilation du suffrage universel ; il faut attendre ! » Voilà ce qui s’est dit et redit du haut de la tribune, ce qui se répétait dans la presse, et le peuple a cru faire acte de sagesse et de patriotisme en se laissant dépouiller sans mot dire. Eh bien ! à ceux qui ont pris la responsabilité de cette honteuse politique, nous n’avons qu’une chose à répondre : Lâches ou traîtres !

« Oui, lâches ont été ceux qui ont transigé sur le droit, si l’ambition ou des intérêts plus vils n’ont pas dirigé leurs écrits et leurs actes ! Avec le suffrage universel, la patience était possible, car l’avenir était sauf ; après la suppression du suffrage universel, c’est un suicide. Et comment rachèterez-vous cette irréparable défaite qui ne vous laisse ni l’honneur comme parti, ni l’espérance comme citoyens ? Quand vous rendra-t-on ces quatre millions d’ilotes que vous avez laissé destituer du droit d’homme ? Assez de mensonges ! ne jouez pas plus long-temps l’habileté politique, cessez de parler de 1852, car vous y croyez moins que personne. Avouez-le, vous avez eu peur pour votre négoce ou vos indemnités parlementaires, et vous avez conduit vous-mêmes les funérailles du suffrage universel,

Quand ils condamnent ainsi la conduite de leurs coreligionnaires, les réfugiés savent bien quels reproches ceux-ci leur jettent à leur tour à la tête. Ce sont des impatiens de l’exil, et c’est cette impatience qui leur inspire ces amers dépits contre leur propre parti. Aussi y a-t-il dans le Proscrit un article intitulé les Impatiences de l’exil, qui nous en apprend beaucoup sur les querelles du ménage démagogique

« Ce mot a déjà été prononcé, et pourquoi ne servirait-il pas à expliquer et à réfuter la politique dont le Proscrit lève le drapeau ? La méthode est facile, elle n’exige pas une grande dépense d’esprit ni surtout de courage ; enfin, elle peut s’appliquer à tout. Nous avons, par exemple, le malheur de ne pas trouver absolument bon que la révolution se laisse traîner aux gémonies, que la république, désertée par ceux qui avaient manat de la défendre, s’en aille docilement de vie à trépas ; — impatiences de l’exil !