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normale, digne demeure de l’homme-roi, où tous les élémens lutteraient de zèle pour éviter le moindre effort à leur souverain ; mais nous pouvons parler de quelques améliorations que l’on pourrait apporter à nos vieilles cités.

« Les jeux, les fêtes publiques occuperaient une foule joyeuse et réjouiraient le soi de notre vieux Paris. La moitié des rues seraient converties en passages, le Palais-National vitré ; la Seine, détournée de son lit par un canal creusé dans les catacombes de Montrouge, laisserait une large place pour des cirques, des amphithéâtres et des promenades. Cette idée de M. Émile Thomas nous a toujours séduit par un caractère de grandeur toute babylonienne. Nous voyons d’ici cette navigation souterraine à la lueur rougeâtre des torches flamboyantes et aux cris des nautoniers répercutés par les voûtes. Et puisque la surface du sol est tellement encombrée par nos misérables constructions et l’enchevêtrement de nos intérêts, pourquoi ne songerions-nous pas à trouver au-dessous du sol de nos rues, et au-dessus du niveau de nos maisons, l’espace qui nous manque pour y établir nos créations armanasiennes ? Ainsi, des catacombes de Montrouge agrandies, rectifiées et éclairées, pourraient partir de longues galeries, qui viendraient aboutir à de larges places souterraines sous le Palais-National, sous nos boulevards ; là, au sein des hivers, la population trouverait une température toujours constante, des cirques, des théâtres, des promenades, des lignes de communication, parfaitement saines, abritées et directes, entre les points les plus importans de la cité. Vingt lignes de chemins de fer souterrains viendraient, à chaque minute, prendre et ramener le voyageur au centre même des affaires, débarrasseraient nos rues des encombremens du roulage, et répareraient ainsi en partie la faute que l’on a faite de placer les embarcadères à une distance démesurée du point naturel où ils devraient être.

« Cette cité plutonienne serait pour le Parisien sa galerie d’hiver. Ne pourrions-nous pas, pendant que nous y sommes, lui bâtir dans les airs une villa pour l’été ? Les jardins suspendus de Sémiramis seraient-ils au-dessus des ressources de l’art moderne ? Nous ne le croyons pas. Nous croyons que les toits de nos maisons pourraient être nivelés en terrasses continues, qui couvriraient Paris d’un gracieux parterre, et nous rendraient avec usure l’aspect du ciel et l’air que les architectes nous disputent pied à pied. Nous connaissons une substance, méprisée aujourd’hui, qui se prêterait admirablement à la confection de ces terrasses. Des ornemens de fonte préserveraient les promeneurs de chuter dans le ravin des rues de la ville bruissante au-dessous d’eux. Des colonnes élégantes élèveraient dans les airs les fumées et les émanations des habitations. De légères passerelles uniraient entre elles les îles des maisons : Venise aérienne, flottant au milieu des nuages, embaumée par les fleurs, égayée par les oiseaux, inondée de lumière.

« Enfin, pour que la capitale de la France ait quelque ressemblance de plus avec un cerveau humain, nous voudrions que chacune des parties pût, comme par un contact électrique, se mettre en rapport avec toutes les autres. Nous possédons un moyen pour obtenir ce prodigieux résultat, que nous espérons bien voir mettre en pratique un jour. Alors tout individu pourra, du coin de son feu, écrire un bulletin, qui sera instantanément transmis à un bureau central, et de là au point voulu de la circonférence, pour que l’ordre y soit exécuté. On pourra, en six minutes, avoir des nouvelles d’un ami, recevoir des échan-