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de Louis XIV : Il n’y a plus de Pyrénées, est encore un vain mot. L’administration de la guerre a voulu que les Pyrénées demeurassent inaccessibles, comme un obstacle permanent entre la France et l’Espagne. Elle l’a emporté. L’empereur Napoléon, qui entendait cependant la stratégie et qui savait vouloir, avait projeté trois routes par le cœur de la chaîne. En dépit de sa volonté, pour aller de France en Espagne, on n’a encore que deux routes, celle de Bayonne et celle de Perpignan, qui passent au pied de la chaîne. On craint apparemment que l’Espagne ne conquière la France[1].

Sur d’autres points, dans d’autres montagnes bien moins impraticables, telles que les Vosges, des députés, solliciteurs plus habiles ou plus heureux que ceux des départemens voisins des Pyrénées, avaient obtenu que des routes fussent tracées, au grand avantage des populations et du commerce en général ; mais, une fois les Vosges franchies, en venant du Rhin, quand on entre dans un pays de plaine où un ennemi trouvera toujours son chemin, le génie militaire, conformément aux instructions qu’il continuait de recevoir, a continué de s’opposer aux communications. Au nom de la défense dans les départemens situés entre les Vosges et Paris, on avait fait des difficultés au creusement des canaux projetés par les ponts-et-chaussées, quoique Vauban regardât ces larges fossés, bordés le plus souvent d’épaisses banquettes, comme des ouvrages défensifs. Cependant les canaux avaient été creusés : c’est ainsi que, dans ces départemens, on a le canal des Ardennes et la canalisation de l’Aisne ; mais, quand les populations ont demandé à faire des chemins qui permissent de conduire à la ligne navigable les produits de leur sol ou d’y aller chercher

  1. Le gouvernement espagnol, qui, si l’une des deux puissances devait concevoir de l’ombrage, aurait lieu d’être plus méticuleux que le nôtre, a le bon esprit de désirer les routes au travers des Pyrénées. C’est le gouvernement français qui les refuse. Une route dans les Pyrénées qui aurait eu les plus beaux résultats, et qui notamment eût changé la face du département de l’Ariège, celle qui suivrait la rivière de ce nom et entrerait en Espagne par Puycerda, a été tenue en échec par l’administration de la guerre jusqu’aux dernières années de la monarchie. Après la révolution, la pénurie du trésor y a fait interrompre les travaux, qui étaient peu avancés et qu’on reprendra, Dieu sait quand. Le département de l’Ariège en est pour ses espérances, et, avec beaucoup d’élémens de prospérité que la route eût vivifiés, il demeurera indéfiniment une des plus pauvres régions de la France. On avait obtenu de l’administration de la guerre, dix ans nu moins avant la révolution, qu’elle laissât établir une route à travers les Pyrénées par la vallée d’Aspe. Les travaux y sont inachevés encore, mais peu éloignés de la fin. Malheureusement, de l’autre côté de la chaîne, le pays est impraticable ; on n’y va qu’à dos de mulets. Les autorités espagnoles, qui ont plus de bonne volonté que d’écus, ne sont pas au moment de faire travailler de leur côté. Au contraire, la route qui irait de la vallée de l’Ariège à Puycerda trouverait en Espagne des chemins où vont déjà les charrettes. Des explorations pleines d’intérêt au sujet des routes pyrénéennes, dont le midi de la France attend un grand développement de prospérité, ont été faites par MM. Colomès, Auriol et Montet, ingénieurs des ponts-et-chaussées