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beaucoup plus vite, beaucoup plus sûrement, et tous les mauvais auraient été écartés. C’est là la première faute, la faute fondamentale, d’où ont découlé plus tard tous nos malheurs ; cette première faute commise et péniblement expiée, si une seconde fois, sous Louis-Philippe, nous avions su nous arrêter, nous aurions maintenant devant nous l’avenir le plus magnifique, au lieu des sombres nuages qui couvrent notre horizon. Quels beaux rêves de grandeur et de prospérité cette fatale méprise a détruits sans retour ! Mais, encore un coup, tous les regrets du monde ne peuvent rien changer à ce qui est. Deux fois on a essayé de nous donner les idées et les habitudes anglaises, deux fois on a échoué. Nous ne pouvons pas, à ce qu’il paraît, prendre ce que notre révolution a eu de bon sans subir en même temps ce qu’elle a eu de mauvais. La Providence a voulu sans doute nous refuser à tout jamais ce qui nous manque, afin que la nation française ne fût pas trop puissante et trop heureuse.

Je ne dis pas que la république soit le gouvernement définitif de la France : je n’en sais rien, et je me garderai bien, dans un pays aussi capricieux que le nôtre, de rien augurer de l’avenir ; mais ce qui me frappe dans la république depuis qu’elle existe, c’est que des difficultés qui auraient été presque invincibles sous la monarchie se sont aplanies comme d’elles-mêmes. Le bon sens national, qui semblait si complètement perdu en 1847, s’est retrouvé tout d’un coup quand la monarchie a disparu. Nous avons vu les plus ardens fauteurs de l’opposition à tous les degrés jeter à l’eau de la meilleure grace du monde leurs déclamations de la veille, et se faire, avec une promptitude merveilleuse, hommes d’ordre et de gouvernement jusqu’à l’excès. Tous ces partis qui travaillaient avec tant d’ardeur à mettre leur pays dans le chaos, effrayés eux-mêmes de leur succès, se sont mis résolûment à l’œuvre pour l’en tirer. Assurément, quelles que soient les formes extérieures du suffrage, la France n’est pas plus maîtresse d’elle-même aujourd’hui qu’elle ne l’était hier ; mais elle le sait, elle le sent davantage ; chacun se voit responsable de son propre sort et agit en conséquence. J’aurais mieux aimé que cette conviction fût achetée moins cher, et que la France sût se reconnaître plus tôt dans son gouvernement, mais je reconnais que la république a apporté avec elle sa compensation ; si elle a affaibli et appauvri la France pour long-temps, elle l’a contrainte à s’avouer qu’elle ne dépendait que d’elle-même. C’est bien quelque chose.

Je n’ai parlé jusqu’ici que de nos défauts : maintenant que la nation est souveraine absolue, sans contre-poids, sans contrôle, le moment est venu de lui dire ses vérités ; mais, si nous avons de grands défauts, nous avons aussi de grandes qualités. Ces qualités se sont montrées depuis deux ans sous leur véritable jour. Aveugle, étourdi, présomptueux,