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révolutionnaires ; le pays y est témoin de fortunes rapides faites par des moyens souvent illicites dans les affaires publiques, et il s’habitue à croire que la politique est un voile commode pour couvrir tous les méfaits. Après eux viennent les gouvernemens despotiques ; le mal est moins général, il se condense dans les hommes investis de l’autorité, mais il s’y développe avec une intensité effrayante. Les gouvernemens libres sont les moins corrupteurs de tous, et cependant c’est sous ces gouvernemens que la corruption fait le plus de bruit. Tout paraît au grand jour dans un pays libre, surtout le mal, et il y paraît grossi, amplifié par les déclamations passionnées de l’opposition. En réalité, ces gouvernemens, loin de favoriser la corruption, sont les seuls qui travaillent à la réprimer, et c’est précisément parce qu’ils la répriment qu’ils en font beaucoup parler. Hélas ! pour qui regarde au fond des choses, c’est moins pour avoir excité l’avidité publique que pour n’avoir pas pu la contenir, que le gouvernement de juillet est tombé ; il y a bien paru au débordement d’appétits qui a suivi sa chute.

Pourquoi donc cette destinée si différente pour deux établissemens dont le second paraît si supérieur au premier ? Est-ce que les partis hostiles auraient été plus violens, plus obstinés, en France qu’en Angleterre ? Non certes. Il y avait en Angleterre, en 1688, les mêmes partis qu’en France en 1830, les légitimistes ou jacobites et les républicains ou indépendans : ni les uns ni les autres n’abdiquèrent à l’avènement de Guillaume III. Le parti jacobite fit même ce que n’a point fait le parti légitimiste en France ; il livra bataille d’abord à la Boyne, puis à plusieurs reprises en Écosse, puis enfin à Culloden, et ce ne fut qu’après soixante-dix ans de conspirations et de révoltes qu’il se résigna aux faits accomplis. Quant aux républicains, ils se montrèrent non moins tenaces, et le vieux levain du long parlement fut lent à se dissoudre. La proposition formelle fut faite de s’en tenir à une république après l’expulsion de Jacques II et de ne donner la couronne à personne ; cette proposition avait dans le pays un assez grand nombre d’adhérent. Ce n’était pas chose aussi inouie qu’on pourrait croire qu’un parti républicain à la fin du XVIIe siècle. L’exemple d’une révolution aussi subversive que la révolution française n’avait pas encore décrié aux yeux de tous les peuples le nom de république ; ce nom se rattachait au contraire aux plus beaux souvenirs de l’Europe contemporaine. Sans parler de la république de Venise, alors dans tout l’éclat, de sa splendeur, et de la république helvétique, si fière de sa liberté, c’était encore une république, celle des Provinces-Unies, qui avait tenu tête successivement aux deux plus puissans monarques du monde, Philippe II et Louis XIV, et qui, presque sans territoire, avait conquis en Europe un des premiers rangs.

Les Anglais n’avaient pas besoin de chercher hors de leur propre