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puis reprises encore : ne vous êtes-vous point demandé si la cause de leur défaite successive ne consisterait point, par hasard, en ce qu’elles n’étaient que des formes, en l’absence de l’idée même de l’autorité effacée de l’esprit et du cœur des hommes ? Dès-lors, tout attendre de la restauration d’une forme politique pour elle-même, ce ne serait en aucune façon résoudre la question essentiellement, pas plus que de se confier indéfiniment à la sauvegarde de la force, pas plus que de parcourir l’échelle de toutes les solutions économiques, — et ceci nous ramène à ce que M. Donoso Cortès signale comme l’unique et imprescriptible remède imposé à la société moderne, si elle veut vivre, la régénération religieuse et morale. Oui, évidemment, c’est là, pour quiconque réfléchit, la condition du succès de nos tentatives de toute nature. Tant que le sentiment de cette vérité ne dominera point tous les autres dans nos intelligences et dans nos ames, les difficultés renaîtront sans cesse sous nos pas, dans les mêmes termes ; les nuages se reformeront devant nous à mesure que nous les dissiperons. Tant que la société, en chassant le scepticisme révolutionnaire de sa conscience, n’aura point remporté sur elle-même cette victoire intérieure, ses victoires sur l’ennemi extérieur ne porteront point les fruits attendus de paix et de raffermissement. «… La vérité est, dit M. Donoso Cortes, que, malgré ces victoires, qui n’ont de la victoire que le nom, le sphinx effrayant est là devant vos yeux ; la vérité est que le terrible problème est là debout, et que l’Europe ne sait ni ne peut le résoudre… » Quant au caractère même de cette réforme religieuse, il ne peut être équivoque dans la pensée de l’auteur. « C’est le catholicisme, dit-il, qui est le remède radical contre le socialisme, parce que le catholicisme est l’unique doctrine qui soit sa contradiction absolue… »

Mais cette réforme s’accomplira-t-elle ? est-elle probable ? En d’autres termes, la société actuelle est-elle destinée à périr ou à se sauver ? Ah ! c’est ici que cette noble et vigoureuse intelligence est saisie d’une sorte d’effroi devant ce mystère de l’avenir. On a vu bien des peuples déserter la foi, dit M. Donoso Cortès, on n’en a point vu y revenir d’eux-mêmes. L’auteur énumère les symptômes redoutables de notre époque ; il montre l’esprit de dissolution pénétrant chez ceux-là mêmes qui ont pour mission de le combattre, la division se mettant là où l’union devrait être la première des lois, parmi tous les partis conservateurs. « En Europe, aujourd’hui, dit-il, tous les chemins semblent mener à la perdition, même les plus opposés ; les uns se perdent en cédant, les autres en résistant. Là où la faiblesse doit être la mort, il y a des princes faibles ; là où l’ambition doit être une cause de ruine, il y a des princes ambitieux… » Et dans l’ensemble de ces symptômes et de ces faits, M. Donoso Cortès voit la confirmation palpable, contemporaine d’une philosophie terrible, — le triomphe naturel du mal sur le bien dans le monde, le triomphe du bien sur le mal étant réservé à