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II

L’essai sur Pie IX date de 1847. C’est une vigoureuse démonstration de la supériorité de la civilisation catholique, que M. Donoso Cortès rattache au nom du doux et généreux pontife, alors dans les merveilles de son avènement. Là éclate vraiment le penseur nouveau interprétant les dogmes, les rajeunissant par le talent, en exprimant la fécondité. C’est un philosophe chrétien qui croit entrevoir l’heure d’une restauration religieuse s’opérant par la main d’un pape salué presque comme un inaugurateur dans le monde.

On voit quels sentimens nourrissait M. Donoso Cortès au moment où février éclatait, où l’Europe prenait feu, où se sont déroulés des spectacles qu’on ne croyait plus revoir, qui nous ont fait tout comprendre, depuis les guerres serviles jusqu’aux luttes du bas-empire, depuis les émotions des grandes batailles sociales jusqu’à cette anxiété sinistre qu’on éprouve lorsqu’on se sent enveloppé d’une de ces influences énervantes qui vous pénètrent et vous tuent, sans que vous puissiez les saisir d’une manière distincte. Ici, c’est un observateur direct, passionné, éloquent, qui parcourt le flambeau de la foi à la main, le cercle des vicissitudes européennes. Que de commentaires n’a point rencontrés ce mot de révolution depuis un demi-siècle et depuis deux ans surtout ! Que d’explications n’ont point été données de ces fièvres périodiques qui reviennent en s’aggravant ! Aux yeux des uns, ce n’est rien moins que le triomphe de la raison humaine s’émancipant et prenant possession d’elle-même ; aux yeux des autres, c’est un mélange inévitable de mal et de bien qu’il faut plutôt régler que combattre. Il en est, et des plus modérés, pour lesquels ce sera une nécessité extrême, mais imprescriptible, un acte héroïque de conservation populaire. Exécutez fidèlement les lois, vous diront ceux-ci, elles sont la sauvegarde des révolutions ; assouvissez les besoins de ceux qui souffrent, vous les désarmerez, diront ceux-là. M. Donoso Cortès n’ambitionne point de place parmi ces commentateurs des causes secondaires des révolutions. Selon lui, elles sont une infirmité véritable, une maladie réelle qui a sa source dans le soulèvement de toutes les humeurs malsaines d’une société. « Le germe des révolutions, dit-il dans son discours du 4 janvier 1849, est dans les désirs de la multitude surexcités par les tribuns qui les exploitent et en bénéficient. Vous serez comme les riches ! voilà la formule des révolutions socialistes contre les classes moyennes. Vous serez comme les nobles ! voilà la formule des révolutions des classes moyennes contre les classes nobles. Vous serez comme les rois ! voilà la formule des révolutions des classes nobles contre les rois. Enfin, vous serez comme des dieux ! voilà la formule de la première révolte du premier homme. Depuis Adam le premier