Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déceptions et de doutes, il rouvre le domaine des certitudes supérieures, des solutions religieuses ; il fait sentir l’action de la Providence dans un siècle où l’humanité s’est déifiée. Quelle est la vraie et mystérieuse direction de la civilisation, en quoi les peuples s’en éloignent ou s’en rapprochent, comment ils expient dans les convulsions leurs abdications successives de l’idéal religieux, de l’idéal moral, quels horoscopes se dégagent du sein de l’anarchie contemporaine et de l’état général de l’Europe, — ce sont des questions dont l’énoncé seul suffit à faire penser, que chaque philosophie, sommée par les événemens, tente de résoudre, et que M. Donoso Cortès agite avec une force de développement et une fécondité d’inspiration qui font de ses discours un éloquent enchaînement de vues et de pronostics. Le sens précis de ces discours, qui seraient peut-être, à une autre époque, une anomalie dans une assemblée politique, peut être facilement défini : c’est le génie chrétien dans une de ses nuances les plus ardentes, les plus tranchées, c’est le génie catholique espagnol rendant témoignage sur nos révolutions, interrogeant leur esprit et mesurant leurs- désastres. Pour s’élever à ces mâles contemplations, M. Donoso Cortès a un bonheur auquel nous pouvons porter une patriotique envie ; il a le calme relatif de son pays, et ce n’est pas le spectacle le moins curieux du moment présent, si fécond en spectacles inattendus, que celui de l’Espagne tenant, sans naufrage, cette haute mer des agitations européennes, y trouvant même des occasions d’affranchissement, faisant à la fois acte de virilité politique en scellant l’union des partis intérieurs, en prenant en main l’œuvre de ses intérêts à restaurer, et acte de virilité intellectuelle en jetant, par l’organe d’un de ses orateurs, au sein de nos polémiques amoindries et de nos énervantes incertitudes, l’éclat rajeuni de ses interprétations. Les conjectures du penseur espagnol sont, sans aucun doute, le plus éloquent manifeste qu’aient provoqué au dehors ces deux années, dont février est la triste aurore.


I

Chaque pays aujourd’hui, en Europe, a son chapitre ouvert dans l’histoire des révolutions, et il n’est point indifférent, dans cette arène où tous sont convoqués à des luttes extrêmes, de voir, à la clarté des phénomènes intellectuels, quels élémens de leur vie intérieure périssent, quels élémens se conservent. Un des élémens restés le plus vivans, le plus intacts en Espagne, comme garantie de permanence sociale et comme un des traits les plus indélébiles du caractère moral, n’est-ce point ce sentiment catholique dont la puissance se réveille et éclate dans la parole de M. Donoso Cortès ? Le sentiment catholique n’est pas, au-delà des Pyrénées, une poésie ou une vague spéculation ; il se mêle à