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minaient. Cette muraille s’ouvre et s’incline pour faire place au gigantesque escalier qui conduit à la terrasse ; à droite et à gauche se développent deux rampes divergentes qui ont cinquante-huit degrés ; en haut de ces deux premiers escaliers sont deux paliers sur lesquels s’ouvrent et montent, en sens inverse des deux premières, deux autres rampes de même largeur ayant quarante-huit marches chacune. Les degrés de ces quatre rampes ont une hauteur de dix centimètres seulement, et la pente en est si douce, qu’on peut la monter ou la descendre à cheval. Il est donc permis de penser que cet escalier a été ainsi construit afin de permettre aux cavaliers, comme aux gens de pied, de le gravir aisément.

Deux énormes piliers, sur lesquels se présentent en face deux quadrupèdes de dimensions colossales, tel est le premier monument qu’on rencontre au haut de la terrasse. Au-delà sont deux colonnes, et plus loin deux autres piliers semblables et correspondans aux premiers. Il est probable que c’était là un des magnifiques portiques par lesquels on avait accès dans l’enceinte du palais. Ces quatre piliers portent, sculptés dans leur masse et posant sur un socle, les quatre animaux gigantesques, qui ont six mètres de longueur sur plus de cinq mètres et demi de hauteur. Sur la façade tournée du côté du grand escalier, chacun des colosses présente un large poitrail porté par deux jambes puissantes. Cette partie antérieure du corps de l’animal, qui est très saillante, est traitée en ronde bosse. La partie postérieure se prolonge sur la face interne de chaque pilier, où elle a un relief moins saillant. Beaucoup de voyageurs se sont mépris quant à l’espèce d’animaux représentés sur ces pylônes. Je ne parlerai pas de Chardin, ce marchand de pierreries qui visita la Perse pour son commerce, archéologue sans préméditation, et inhabile à comprendre ces monumens. Dans son naïf embarras pour qualifier ces colosses, il ne savait trop s’il devait y voir des chevaux, des lions, des éléphans ou des rhinocéros. C’est en vérité méconnaître par trop l’évidence, que de confondre entre eux ces divers animaux ; mais des voyageurs plus précis, sans y avoir pu néanmoins voir ni visage de femme, ni corps de lion, se sont appuyés sur un prétendu défaut de précision dans les formes pour les considérer comme des sphinx. Je dois réhabiliter ici le sculpteur qui a exécuté ces gigantesques quadrupèdes. Loin de les avoir imparfaitement traités, il a apporté dans l’exécution, soit de l’ensemble, soit des détails, un soin et une vérité qui ne devraient pas laisser place à la moindre hésitation, car au premier coup d’œil on distingue en eux des taureaux. En effet, il est impossible de ne pas reconnaître cet animal à ses proportions massives et raccourcies, signes de sa force, à son encolure puissante, à ses jambes courtes, mais vigoureuses, terminées par un sabot fendu, et à sa queue nerveuse légèrement