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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.


fond, et jusqu’au silence de ces lieux inhabités. Rien ne peut donner une idée de cet ensemble solennel que découvre le voyageur placé devant le plateau de Persépolis. En face de lui, il a le palais des rois, ruiné, désert, s’abaissant, pour ainsi dire, de la montagne vers la plaine verdoyante ; la longue muraille coupée par un gigantesque escalier à rampe double ; — en haut, un large groupe de colonnes élégantes qui soutiennent encore quelques débris de leurs chapiteaux aériens ; — à gauche, les piliers massifs sur lesquels se détachent les colosses imposans qui gardaient autrefois l’entrée de la demeure royale ; — à droite, d’autres palais en ruines dont les murs sculptés se détachent d’abord en noir dans un milieu lumineux, puis se colorent peu à peu sous les rayons d’un soleil ardent. Au fond, entre les colonnes, l’œil découvre encore des ruines, des masses de pierres couvertes de figures symboliques, et, dans la brume bleuâtre de cette atmosphère tranquille, on aperçoit des tombes creusées sur le flanc de la montagne qui sert de fond à ce théâtre imposant.

II.

À peine interroge-t-on ces ruines vénérables, qu’on rencontre un premier sujet d’étonnement dans cette muraille intacte, dont les blocs défient les siècles et répondent si bien à la durée qu’en attendaient les constructeurs de ces immenses édifices. Ce soubassement gigantesque a le caractère d’un appareil cyclopéen ; les pierres en sont de toutes formes et de toutes grandeurs ; à côté de celles qui n’ont que quelques décimètres, on en voit qui ont jusqu’à quinze et dix-sept mètres de long sur deux à trois mètres d’épaisseur. Elles sont rectangulaires, carrées ou oblongues ; elles ont la forme d’un trapèze, d’un triangle, ou bien elles ont un angle rentrant. Il semble que la dureté seule de ces blocs les ait fait choisir, et qu’on les ait pris avec les irrégularités qu’ils tenaient de la nature, en se bornant à rectifier leurs angles, afin d’en faciliter l’adhérence. Quant à l’adhérence même, elle est parfaite ; les lits et les joints de toutes ces pierres sont taillés avec la plus grande précision, et, rangées les unes sur les autres sans mortier, elles se trouvent si parfaitement juxta-posées, qu’il y a des endroits où c’est à peine si l’on en peut distinguer les interstices. À la partie supérieure de cette muraille sont des refouillemens pratiqués d’une pierre à l’autre, en queue d’aronde, dans lesquels était coulé du métal, afin de les lier plus fortement.

Il ne se trouve d’ailleurs aucun ornement sur la face de cette muraille ; en la construisant, on n’a pensé qu’à la durée, et la simplicité même du soubassement ajoute, par le contraste, à l’effet que devait produire la richesse d’ornementation prodiguée aux palais qui le do-