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rayons du soleil, pour emprunter le langage scientifique, tangentiellement, et l’ardeur de ces rayons ainsi tempérée ne faisait qu’attiédir l’air qui circulait sous les vastes portiques.

Du haut de la plate-forme qui lui servait de base, le palais dominait la plaine de Merdâcht dans toute son étendue. Assis sur son trône, le souverain pouvait, d’un coup d’œil, embrasser une immense portion de son empire. Il apercevait au sud les montagnes du Lapistân ; en face, il pouvait suivre le soleil à son déclin brisant ses rayons sur les pics élevés du Fars, qu’il colorait de ses dernières teintes ; au nord-ouest, ses yeux se reposaient avec confiance sur les défilés presque infranchissables des Monts-Bactyaris, sur les citadelles d’Istâkhr, et s’arrêtaient au nord sur les façades funèbres des rochers excavés de Nâkch-i-Roustam, où sa sépulture l’attendait.

L’élévation de l’immense terrasse sur laquelle a été construit le palais n’a guère varié, grâce au sol rocheux qui lui sert de base. La hauteur de cette terrasse dépasse dix mètres ; sa longueur, du nord au sud, est de quatre cent soixante-treize mètres, et sa largeur se mesure par deux cent quatre-vingt-six mètres de l’est à l’ouest. Ce vaste plateau n’a pas un niveau constant ; il est accidenté par plusieurs plates-formes sur lesquelles furent élevés les divers édifices dont se composait le palais de Tâkht-i-Djemchid dans son ensemble. Était-ce pour donner du mouvement aux lignes architecturales, en rendre l’aspect plus agréable à l’œil, que l’on avait ainsi ménagé des différences de niveau, ou bien ces constructions sur des points qui se dominaient les uns les autres furent-elles imposées par la nature abrupte du roc qui en est la base : Telle est l’une des questions que se pose l’antiquaire au milieu de ces ruines et à la vue du sol accidenté qui les supporte. La seconde de ces hypothèses paraît plus en harmonie avec l’aspect des lieux.

Les restes du magnifique palais d’où Darius, vaincu et fugitif, s’échappa pour aller mourir sous le poignard d’un traître, sont ainsi dispersés sur un immense plateau qui domine la plaine de Merdâcht. Certes, ils sont peu de chose aujourd’hui, comparés à ce qu’ils devaient être au temps du dernier prince qui s’abrita sous leur faîte royal. Cependant ce que l’on en retrouve excite encore l’étonnement, et inspire un sentiment de religieuse admiration pour une civilisation qui a su créer de si pompeux monumens, leur imprimer un tel caractère de grandeur, et leur donner une solidité qui a permis aux parties les plus importantes de résister jusqu’à nos jours, à travers vingt-deux siècles et tant de révolutions qui ont dévasté la Perse. Tout est grand et saisissant d’ailleurs dans l’austère paysage qui sert d’encadrement aux ruines de Tâkht-i-Djemchid : l’immensité de la plaine que domine l’antique palais, les lignes majestueuses des montagnes dont l’aspect change à chaque pas, la pureté de l’atmosphère, l’azur d’un ciel pro-