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et sa belle voix de contralto ? MM. Roger et Barroilhet ont eu aussi leur part de succès dans cette fête d’inauguration : Quant aux chœurs de l’Opérai ils ont fait de grands progrès.

Le théâtre de l’Opéra-Comique, voulant aussi frapper un coup décisif, a fait revenir promptement Mme Ugalde du fond de la Provence, où elle était allée chercher un peu de calme et de repos. Cette charmante cantatrice, qui a su conquérir en si peu de temps une si grande popularité, a fait sa rentrée par le rôle d’Élisabeth dans le Songe d’une nuit d’été, de M. Ambroise Thomas. Accueillie par les vives acclamations d’un public qui l’aime, Mme Ugalde a paru émue, et sa voix, encore souffrante, accusait une émotion extrême, qu’on s’explique aisément. Toutefois Mme Ugalde, dont le talent vif, mordant et plein de sève, a été apprécié comme il méritait de l’être, fera bien de se ménager encore pendant quelque temps. Sa voix n’a pas retrouvé cette vibration nerveuse qui éclatait dans la salle comme une lumière électrique.



BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

DICTIONNAIRE GÉOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE, par Adrien Guibert[1]. — En un moment où les travaux bruyans et à effet, devenus si faciles, ont pris tant de place dans la société, on aime à rencontrer un savant modeste, assez attaché à une idée utile pour s’isoler entièrement, afin de la mieux poursuivre. C’est le sentiment que l’on éprouve en ouvrant le laborieux recueil où M. Guibert a rassemblé ses études géographiques, et, avant tout examen de détail, l’on est porté à lui reconnaître au suprême degré ce mérite de la conscience.

Depuis le succès de l’Encyclopédie, il n’est pas de science qui n’ait été analysée sous forme de dictionnaire, et ce n’est point à dire que tous les dictionnaires soient excellens. Le défaut général des dictionnaires de géographie en particulier, c’est de s’en tenir trop volontiers à des descriptions vagues, dans lesquelles l’auteur dépense toujours plus d’imagination que de science. La statistique est préférable à toutes les descriptions, et l’on peut dire qu’elle est l’ame de la géographie : M. Guibert l’a compris ainsi. Le trait caractéristique, le génie de chaque peuple est dans ses lois politiques et religieuses ; sa force relative est dans l’étendue et la fécondité de son territoire ou de son organisation économique : c’est là ce que l’on doit demander, avant tout autre renseignement, à la géographie, et particulièrement à un dictionnaire dont le but principal est de donner à la science sa forme la plus pratique. Hâtons-nous d’ajouter que ce genre de renseignemens n’est point aussi facile à découvrir que l’on pourrait le penser d’abord. Tous les pays n’ont point des institutions régulières et uniformes, tous ne possèdent point les moyens d’information qui existent sous le régime de la centralisation et de la publicité. D’ailleurs, si étrange que cela paraisse, la statistique est une science assez souvent passionnée ; elle n’a pas toujours le calme et l’impartialité qui permettent de représenter les objets tels qu’ils sont. La statistique, on peut donc le dire, est sujette à mille sortes d’erreurs. Par suite, on conçoit qu’il y ait encore, même en. Europe, des pays dont

  1. Paris, chez Renouard ; un très fort volume in-8o.