Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le double avantage de s’entr’aider sans se compromettre les uns par les autres. — Eh bien ! en dépit des causes permanentes et accidentelles de dissolution qui s’accumulaient cette fois autour de la majorité modérée, la voilà sortie de l’épreuve électorale plus nombreuse, plus compacte, plus épurée qu’on ne l’avait jamais vue ! — Nous avons trop réussi ! nous disait un conservateur espagnol en faisant allusion au terrible mécompte qui suivit nos élections de 1846. L’assimilation n’est pas exacte. Nos élections de 1846 n’avaient été défavorables qu’aux partis extrêmes, tandis que les élections espagnoles de 1850 sont surtout la ruine du tiers-parti. Les unes trahissaient le relâchement de l’opinion française ; les autres révèlent la discipline, l’unité et l’énergie de l’opinion espagnole.

Il y a quelque temps que nous n’avons parlé de l’Algérie, et nous nous le reprochons, car un des meilleurs signes, selon nous, du rétablissement de la tranquillité publique, c’est de voir la France s’occuper de l’Afrique. Quand la France tourne son activité vers l’Algérie, quand elle songe à cet empire imprévu que la Providence lui a donné sur les bords de la Méditerranée, cela veut dire qu’elle n’emploie plus sa force contre elle-même, qu’elle renonce au jeu pénible et ruineux des révolutions, et qu’elle reprend l’œuvre civilisatrice qui lui convient le mieux. Nous ne disons pas que l’Afrique soit la véritable terre promise ; nous ne disons pas que des ruisseaux de miel ou de lait y coulent dans les campagnes ; nous disons en moralistes plutôt qu’en financiers que cette terre rude et laborieuse qu’il faut conquérir et défricher, que cette population belliqueuse et ardente qu’il faut soumettre et gouverner, est ce qui convient le mieux à la France, et que c’est une grande grâce de la Providence de nous avoir donné une œuvre qui nous exerce, au lieu d’une œuvre qui nous enrichisse. D’autres auront l’Inde et ses trésors ; nous, nous lutterons en Afrique contre le sol et contre la population, et nous nous y ferons les vertus et les qualités qui peuvent seules empêcher notre décadence. Le jour où la France perdra l’Afrique, sa décadence est commencée. Il y a là pour notre armée une école de guerre et de gouvernement que rien ne peut remplacer. Nous n’aurons pas toujours, nous l’espérons bien, des émeutes et des insurrections qui tiennent l’armée en haleine. Le calme viendra, il vient, et alors commencera pour notre armée la vie de caserne et de garnison, c’est-à-dire la pire des vies pour le soldat, celle qui, par l’oisiveté d’une part et par les mauvaises fréquentations de l’autre gâte et corrompt le plus l’esprit militaire, l’esprit qui nous a sauvés jusqu’ici de la barbarie. Ne cessons point de le redire ; c’est l’armée d’Afrique qui a sauvé la France. Occupons-nous donc beaucoup de l’Afrique, de ce qui s’y fait et de ce qui nous y reste à faire.

C’est dans cette idée que nous avons lu avec un grand plaisir un rapport du ministre de la guerre sur l’état de l’Algérie en 1850, et une brochure du général Yusuf intitulée la Guerre en Afrique, qui vient de paraître à Alger. Disons quelques mots de ce rapport et de cette brochure.

Le rapport de M. le ministre de la guerre indique avec beaucoup de justesse le contre-coup que la révolution de février a eu en Algérie. Cette révolution a manqué de nous coûter notre empire d’Afrique. « L’effectif de l’armée ayant été diminué de vingt-cinq mille hommes, le fanatisme et les sentimens de nationalité comprimés firent explosion sur plusieurs points à la fois dans les trois provinces. Une foule de prétendus envoyés du ciel se mirent à prêcher la guerre