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l’expression de la volonté éclairée du souverain. Comment livrent-il au hasard ou à la décision de l’intérêt privé les conditions auxquelles circulent les billets au porteur, c’est-à-dire les élémens de la fortune publique ? Si la science économique et la pratique des peuples commerçans ont fixé les bases de la circulation fiduciaire, il faut les proclamer dans la loi. Le silence du législateur impliquerait l’ignorance des principes ou l’oubli d’un devoir.

Rien, de plus simple que, dans les contrées où existe la liberté des banques, on soutienne que l’émission des billets peut se passer de règles, et que les besoins du commerce doivent en déterminée l’expansion ; mais dans un pays comme le nôtre, où le monopole règne et a pour raison d’être la sécurité de tous, on ne comprendra jamais que l’on hésite à compléter cette sécurité par des garanties qui rendent l’oppression ou le désordre financier, l’abus, en un mot, impossible. Et que l’on n’invoque pas ici l’autorité des contrats. Ce contrat, qui existait entre la Banque et l’état, a été déchiré du consentement de la Banque elle-même le jour où la révolution, interprétée en cela du progrès des idées, a substitué au principe de la concurrence celui de l’unité de la monnaie fiduciaire ; l’abrogation du cours forcé présentait l’occasion naturelle de préciser, sous une forme légale et solennelle, les conditions du nouveau contrat. En échange de l’accroissement du capital et de l’application d’une partie importante de ce capital à la réserve métallique, j’aurais voulu voir décréter le cours légal des billets. Ici le défenseur de la Banque entre dans un ordre d’idées qui me confond. « Si la loi nouvelle, dit-il, avait maintenu le cours légal, elle aurait perdu son plus grand mérite, elle n’aurait pas effacé les dernières traces de la mesure anormale du 15 mars 1848. La loi n’aurait pas rendu aux billets de banque leur ancien caractère de papier-crédit. » Si la Banque partage sur ce point l’opinion de son apologiste, pourquoi solliciter du trésor, à titre de faveur, ce qu’elle refuse de la loi à titre de droit ou de principe ? Le ministre des finances et la commission du budget ont déclaré à l’assemblée nationale que les billets de la Banque de France seraient reçus comme monnaie dans les caisses publiques. Qu’y a-t-il dans cette mesure, sinon l’injonction d’imprimer aux billets le caractère d’une monnaie légale ? Les billets admis dans les comptes publics sont reçus partout au même titre. Ce que nous demandons a été fait avec la franchise et avec la légalité de moins. Au reste, le cours légal n’a rien de commun avec le cours forcé : il manque les billets de l’empreinte de la foi publique ; mais, en obligeant tout le monde à les recevoir en paiement, il ne dispense pas la Banque de les rembourser à présentation. De la sorte, une valeur imaginaire ne saurait être capricieusement attachée à l’agent de la circulation. Les billets gardent le caractère d’un